Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

Mieux « armer » les polices municipales face aux réalités du quotidien

Acheter - 4 €

Le 19 juillet 2023 a été présenté par les députés Lionel Royer-Perrault et Alexandre Vincendet au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation un rapport d’information sur les missions et l'attractivité des polices municipales. Lors des élections municipales de 2020, nombreux ont été les maires à s’engager, devant leurs concitoyens, à créer ou à renforcer leur service de police municipale par de nouveaux effectifs, souvent accompagnés d’une montée en gamme des équipements. Cette demande forte et subite, estimée par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) à 11 000 nouveaux policiers municipaux d’ici 2026 – soit près de la moitié des effectifs actuels – en tenant compte de 3 500 départs à la retraite, met sous tension les parcours de recrutement des métiers de la police municipale, générant un phénomène de compétition entre collectivités pour recruter le plus rapidement possible, y compris des agents déjà formés et en poste, pour pouvoir les placer en situation opérationnelle à bref délai. Ce faisant, elle révèle l’insuffisante attractivité de la filière, en décalage avec les besoins des collectivités, et l’existence de marges de progression notable en matière de formation, de déroulés de carrière et plus généralement, statutaire, pour mieux fidéliser les policiers municipaux.

 

Police municipale : où en sommes-nous ?

La police municipale en chiffres

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, la France disposait en 2021 d’environ 25 466 policiers municipaux et gardes champêtres, et ce sans compter les 8 000 agents de surveillance de la voie publique. Leur nombre était de 19 370 en 2010, ce qui constitue une augmentation de 2,5 % des effectifs par an et une représentation de 10 % de l’ensemble des forces de sécurité intérieure française. Cette augmentation s’est notamment inscrite dans la demande croissante de sécurité des citoyens, principalement après la vague d’attentats de 2015-2016. Cependant, ce nombre manque de précision et les effectifs de policiers municipaux et de gardes champêtres évoluent en fonction de la méthode de comptage. Les calculs du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer se basent sur des questionnaires envoyés auprès des communes et des erreurs peuvent s’y glisser, qu’elles soient des oublis par des petites communes, ou bien des agents municipaux partagés sur plusieurs communes voisines et donc cités à plusieurs reprises.

Ce sont près de 26 000 policiers municipaux qui couvrent 4 452 communes et 51,2 millions d’habitants. Le personnel est notamment présent en ville. Seule la ville de Brest ne dispose pas de ce service parmi les communes de plus de 100 000 habitants. Sur l’ensemble des 17 538 communes de moins de 500 habitants, seules une vingtaine dispose d’au moins un policier municipal. Cette dichotomie urbain-rural dans la répartition des policiers est également géographique à l’échelle des régions. Ainsi, 19 % de l’ensemble des policiers municipaux se situent en région PACA et 17 % en Île-de-France. À l’inverse, leur nombre est sous-représenté dans les régions de l’ouest du pays, notamment en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire.

Les doctrines d’utilisation de la police municipale

Bien qu’un cadre juridique ait été mis en place par la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales, les doctrines des différentes polices municipales restent à la discrétion du maire. Des variations peuvent ainsi avoir lieu selon les objectifs et les besoins des municipalités. Malgré cela, et contrairement à leurs homologues nationaux, les policiers municipaux restent des agents de surveillance et de proximité, notamment dans les petites villes et villages, où leur nombre n'excède que rarement cinq et où ils sont non armés. L'organisation au sein des villes est différente, avec des brigades complètes de policiers municipaux disposant d'armes de catégorie 4 – c’est-à-dire létale – et dont les missions se rapprochent de la police nationale. La différenciation des tâches de la police municipale permise par leur attachement aux élus locaux est d’une grande utilité dans la gestion des problématiques locales, qui diffèrent selon les besoins du territoire concerné. De manière générale, et bien que des différences existent comme nous l’avons vu entre les territoires, la police municipale a deux missions principales : tout d’abord, rassurer les citoyens tout en dissuadant les possibles délinquants dans la mise en œuvre d’un travail de proximité entre les autorités publiques et les administrés. En outre, leur présence participe au continuum de sécurité. Ces deux missions sont mises en œuvre par les collectivités en fonction de leurs besoins et objectifs propres, dans le respect de leur libre administration.

Les défis des polices municipales

Des défis d’ordre juridique et législatif

Les pouvoirs d’intervention de la police municipale sont trop restreints pour permettre de réaliser leur mission de protection de la tranquillité publique dans son entièreté. Face à l’évolution des incivilités et à l’explosion de la petite délinquance, la seule qualification d’agent de police judiciaire adjoint (APJA) — dont l’objectif est de seconder les officiers de police judiciaire (OPJ) — ne semble plus suffisante pour accomplir à bien leurs missions. L’élargissement des pouvoirs de la police municipale — comme leur accorder la permission d’opérer à des contrôles de papiers d’identité — est bloqué par l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, puisque les policiers municipaux sont sous le contrôle du maire et non du Procureur de la République. La qualification juridique des policiers municipaux comme des APJA pose problème dans leur mission. En effet, en cas d’interpellation, la nécessité de la présence d’un OPJ, souvent lointain ou indisponible, empêche les policiers municipaux de faire preuve d’efficacité. La non-reconnaissance de la qualité d’OPJ des policiers municipaux est tout aussi problématique du fait des faibles moyens dont disposent ces derniers pour remplir leur mission. Ils ne peuvent pas, par exemple, opérer des relevés d’identité ou de permis de conduire. De même, le nombre d'infractions sur lesquelles ils peuvent intervenir est relativement limité par le droit, ce qui les empêche d'intervenir sur des opérations pour lesquelles leur aide serait nécessaire à la tranquillité publique.

Des difficultés de recrutement

La demande de policiers municipaux augmente fortement depuis les années 2010 et notamment depuis les élections municipales de 2020, où de nombreux candidats avaient comme promesse de campagne la création d’une police municipale au sein de leur commune. Juridiquement, les policiers municipaux sont des fonctionnaires territoriaux de catégorie C, recrutés sur concours. Ces concours sont très sélectifs et difficiles, avec, pour l’année 2018, seulement 543 candidatures retenues sur les 4 540 candidats. La difficulté du concours couplé au salaire peu élevé d’un agent de catégorie C a tendance à rebuter les potentiels candidats.

En outre, alors que la demande de recrutement est principalement le fait des villes de banlieue parisienne et du sud-est de la France, les demandes d’affectation se tournent vers les petites villes de provinces plus calmes et agréables pour la famille des policiers. Ces difficultés se couplent à la faible attractivité du métier, du fait d’abord de la dangerosité, qui touche aujourd’hui tous les métiers de l’uniforme, mais aussi d’un déficit d’image de la police municipale, qui apparaît aux yeux de futurs policiers comme une voie bien moins valorisante que la police nationale ou les services de sécurités privés, qui peinent aussi à recruter des candidats. Enfin, les salaires peu élevés finissent de noircir le tableau de l’attractivité de ce secteur.

Les propositions des rapporteurs

Sur les problèmes juridiques

La première recommandation du rapport est d’attribuer la qualité d’OPJ aux directeurs des polices municipales, en restreignant leur capacité afin de ne pas empiéter sur les compétences de la police nationale ou de la gendarmerie, tout en devenant réellement un outil efficace dans la gestion de l’ordre public. La police municipale serait alors double : à la fois sous la direction du Procureur de la République, lorsque leur intervention requiert les qualités d’OPJ, mais aussi sous l’ordre du maire lorsqu’il y a la nécessité de faire respecter les arrêtés municipaux. Le problème des contrôles d’identité et de permis de conduire serait ainsi résolu, ce qui permettrait de décharger la police nationale des contrôles routiers sur les communes et donc d’avoir une meilleure concentration des effectifs sur des missions plus urgentes.

Les rapporteurs évoquent également la possibilité pour les policiers municipaux de pouvoir verbaliser les « infractions du quotidien », qui ne nécessitent pas nécessairement d’OPJ. Cela permettrait d’assurer la principale mission des polices municipales : le maintien d’une sécurité de proximité. Ces interventions seraient possibles en donnant aux policiers municipaux certaines compétences judiciaires exercées par les gardes champêtres, qui ne sont certes pas des officiers de police judiciaire mais qui ont pourtant plus de prérogatives judiciaires que les polices municipales du fait de leur importance historique dans les campagnes, importance qui se résorbe années après années.

Sur l’amélioration du recrutement

La mise en valeur du métier de policier municipal est le principal levier d’action que recommandent d’utiliser les députés rapporteurs, dans l’objectif d’améliorer les recrutements en quantité, sans perdre en qualité. Une possibilité serait de classer les policiers municipaux comme des fonctionnaires de catégorie B, comme leurs équivalents nationaux, et non plus comme des fonctionnaires de catégorie C. Ce changement de statut permettrait à la fois une revalorisation des indices et des salaires, mais également un sentiment d’égalité face aux policiers nationaux. La promotion du travail de policier municipal auprès des collégiens et lycéens pourrait prendre la forme d’une plus grande participation des policiers municipaux aux forums des métiers, et aussi des interventions devant des classes entières, afin qu’ils puissent présenter leur métier sous un prisme différent que celui du policier national ou du gendarme. Cette présence permettrait alors de donner plus de visibilité aux concours d’entrée de la police municipale auprès des plus jeunes.

Les polices municipales sont devenues des acteurs incontournables de la tranquillité publique et de la défense du bien commun. La différenciation d’usage de ces dernières, en fonction des besoins et des nécessités dans les territoires, est d’ailleurs un bel exemple de la réussite de cette doctrine, applicable à la décentralisation. Même si certains problèmes persistent, comme le manque de personnel ou les empêchements juridiques, des solutions simples à mettre en place existent et permettraient une nette amélioration en matière de recrutement et de fluidité d’action.

 

Pierre Censier

Rapport d’information sur les missions et l’attractivité des polices municipales 

Parmi les 44 préconisations

L’essor des polices municipales et leur complémentarité avec les forces étatiques

Évaluer plus précisément les différentes modalités de mutualisation et de mise en commun de policiers municipaux. Les promouvoir en particulier auprès des petites communes.

Développer l’accès nomade aux fichiers de police, de façon à faciliter le travail des policiers municipaux sur le terrain.

Permettre aux policiers municipaux d’accéder à l’outil Docvérif de vérification des titres officiels et leur permettre de consulter, en cas de constatation d’une infraction, et sous certaines précautions d’habilitation, de traçabilité des consultations et de respect des exigences de protection des données, au fichier des véhicules assurés (FVA), au fichier des objets et des véhicules signalés (FOVéS) et au fichier des personnes recherchées (FPR).

Étendre les pouvoirs de polices municipales 

Entamer une réflexion concernant la possibilité d’attribuer aux chefs de service et aux directeurs de police municipale la qualité d’OPJ, sans possibilité de recevoir des plaintes et pour des infractions précisément énumérées, après avoir reçu une formation équivalente à celle d’OPJ et sous le contrôle direct du procureur de la République.

Attribuer aux policiers municipaux certaines compétences particulières de police judiciaire dont disposent les gardes champêtres en tant qu’agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire.

Fluidifier le recrutement des policiers municipaux

Garantir aux concours de gardien-brigadier une sélectivité suffisante en maintenant le niveau d’exigence des épreuves écrites. Reconsidérer le contenu et le barème de l’épreuve sportive pour tenir compte des conditions réelles d’emploi sur le terrain.

Diversifier les passerelles d’accès à la police municipale – y compris celle de l’apprentissage – et de la police municipale vers les autres filières de la fonction publique territoriale.

Permettre aux policiers municipaux de conserver l’agrément de port d’armes, sous réserve du respect des obligations réglementaires, en cas de mutation vers une autre collectivité disposant d’un service de police municipale armé.

Créer une réserve opérationnelle de la police municipale.

Assurer une plus grande cohérence des cadres d’emplois et revaloriser les carrières des policiers municipaux

Calquer la grille indiciaire des gardes champêtres sur celle des policiers municipaux. Créer un cadre d’emplois de débouché de catégorie B ouvert aux gardes champêtres sous condition d’effectifs encadrés.

Réaliser d’ici 2030 le reclassement en catégorie B du cadre d’emplois des agents de police municipale.

Poursuivre les discussions avec les organisations syndicales représentatives des policiers municipaux afin de restructurer le régime indemnitaire en tenant compte des spécificités de la filière police municipale au sein de la fonction publique territoriale.

Entamer une réflexion sur l’opportunité de créer un statut spécifique pour la filière police municipale au sein de la fonction publique territoriale.