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L'avenir de la santé à la lumière de l'Histoire

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Homo sanitas revient sur le rôle central de la santé dans nos sociétés depuis des milliers d’années et l’impact des innovations sur la médecine de demain. Nicolas Bouzou réalise, à la lumière de l’Histoire, une analyse fine du domaine de la santé actuel et des problématiques nouvelles posées par les technologies médicales. L’enjeu de cet ouvrage est de montrer à quel point notre vision de la santé a été modifiée à travers les âges et de quelle manière la crise du Covid-19 a fait évoluer notre manière d’appréhender cette problématique. Nicolas Bouzou se penche également sur la question du système de santé idéal dans lequel professionnels de santé, technologies et structures privées et publiques joueraient un rôle complémentaire.


Nicolas Bouzou, essayiste et éditorialiste français, est connu pour ses études des grandes questions de société. Diplômé de l’université Paris-Dauphine et d’un master de finances de Science po Paris, il fonde le cabinet de conseil économique Asterès en 2006. Dès le début de la crise sanitaire de la Covid-19, il prend un rôle important dans la gestion de la crise sanitaire en étant convié, avec d’autres économistes, par Bruno Le Maire pour étudier les solutions possibles face à la récession annoncée. Il écrit d’autres ouvrages et notamment Sagesse et folie du monde en 2019 sur la question du pessimisme face à l’avenir, écrit en collaboration avec le philosophe Luc Ferry. L’ouvrage Homo Sanitas est publié en 2021, en plein contexte de Covid-19. Nicolas Bouzou étudie une nouvelle grande question sur notre époque et tente de donner des réponses sur ce que sera la médecine de demain en s’appuyant sur l’étude de l’Histoire de la santé. Ainsi, le terme Homo sanitas porte cette idée : l’homme n’a pas comme unique objectif de soigner, cela est aussi un moyen de permettre aux autres hommes de rester humains.

Soigner : atteindre l’immortalité ?

Depuis l’âge du Paléolithique, la santé est un enjeu civilisationnel central. C’est sur la santé que reposent le bon fonctionnement d’une communauté et son développement. De ce fait, l’Homme a créé et mis en place de nouvelles technologies afin de soulager ses douleurs. Pourtant, dans une société où la nature prend une place de plus en plus importante, Nicolas Bouzou questionne le processus de soin. Pour ce faire, l’auteur s’appuie sur la théorie de la sélection naturelle1 développée par Darwin au XIXe siècle. En effet, selon le naturaliste anglais, le processus naturel de l’évolution repose sur une sélection qui s’opère entre les êtres vivants et qui permet aux plus résistants d’entre eux de se reproduire et de perdurer dans les âges. La maladie devient un facteur de perpétuation de l’espèce ou non. En soignant, l’être vivant va à l’encontre de ce processus naturel en se battant contre le principe de « sélection naturelle ». Cette volonté de lutter contre la maladie révèle ainsi une envie plus profonde que de simplement guérir mais : « Ce qui l’anime n’est pas la lutte inconsciente pour la survie, mais le fait de vivre » (p.20). L’être humain se bat sans cesse contre la mort et essaie à tout prix de contrôler son mode de vie afin de l’éviter ou du moins de la repousser. En effet, au XVIe siècle, les hommes prennent conscience de l’impact de leur comportement sur la santé. Émerge ainsi une nouvelle politique de prévention afin d’adapter son alimentation, son style de vie et sa psychologie pour protéger sa santé. Cette nouvelle manière de concevoir son corps et sa santé s’inscrit dans la continuité du mythe de l’immortalité. Nicolas Bouzou rappelle que, de tout temps, la vie éternelle a été un sujet de fascination pour les Hommes et que cette idée a traversé les âges, notamment par le biais de mythes liés aux puissances divines. Ainsi, ne pouvant pas atteindre l’immortalité, les hommes se sont efforcés de maîtriser la mort en adoptant des modes de vie sains. Afin de contrôler davantage cela, l’essayiste explique que la place de l’espérance de vie a augmenté de manière importante dans nos sociétés. En effet, celle-ci est calculée de manière précise et l’avancée de cet âge sur l’ensemble de la planète est le signe d’un monde en meilleure santé et donc d’un système qui se porte mieux. Néanmoins, malgré le recul de l’âge de la mort, l’Homme a toujours peur de la mort et Nicolas Bouzou introduit l’idée que cette peur est le signe d’une trop grande préoccupation de soi. Vouloir à tout prix éviter la mort est mauvais car l’être humain est conçu pour mourir, il est donc important d’y penser mais sans pour autant que cela prenne une importance démesurée. Pour illustrer cette idée, l’auteur se prononce en disant que « Les hommes ne se sont jamais satisfaits de mourir » (p.58). Cette citation met en lumière le fait que l’homme se sachant mortel, n’a jamais vraiment accepté cette idée et a toujours pensé qu’il pourrait la dépasser. C’est cette croyance qui fait de la mort une issue inacceptable et c’est pour cela que sauver les civilisations des épidémies notamment le coronavirus, n’est pas une option mais une nécessité. Le sujet de l’immortalité est aujourd’hui encore sujet à de nombreux espoirs. Descartes parle du corps comme d’une machine2. De ce fait, afin de le réparer, il suffirait de savoir tout soigner. C’est seulement à cette condition que l’immortalité semble possible.

« En médecine quand on abat un ennemi un autre surgit »

Les progrès dans le domaine médical ayant été très importants depuis le XIXe siècle, la crise du Covid-19 nous a rappelé notre vulnérabilité face aux virus. En effet, ce virus que nous ne connaissions pas il y a deux ans a bouleversé nos vies et notre manière de concevoir la santé. Cette épidémie l’a placé au centre de nos préoccupations. Depuis quelques décennies, nous étions passés à une ère des maladies chroniques mais la crise sanitaire actuelle a remis nos certitudes en question. En effet, Nicolas Bouzou montre que les virus étaient vus comme facilement traitables et peu dangereux alors qu’un cancer semblait être le véritable danger. C’est ce que l’essayiste explique lorsqu’il dit « En médecine quand on abat un ennemi un autre surgit » (p.146). Cela signifie que si on arrive à traiter une maladie, une autre deviendra problématique et nécessitera de nouvelles recherches. Il s’appuie notamment sur le cas des cancers : pour lui, si on arrivait à les éradiquer, il se mettrait à y avoir davantage de maladies liées au cerveau. Par ailleurs, il montre que la crise du Covid-19 a mis en lumière un autre problème très peu pris en compte par les autorités : la santé mentale. En effet, les périodes de confinement ont révélé une détresse psychologique chez une grande partie de la population : ceux qui étaient déjà fragiles avant l’épidémie ont vu leurs symptômes décupler à cause de la période d’enfermement et d’autres ont développé des problèmes à la suite du déconfinement. Nicolas Bouzou montre que les maladies psychiatriques ont une place minime dans le système de soin de nombreux pays. En effet, les États privilégient la santé physique car les dépenses en matière de santé mentale sont vues comme moins efficientes. De plus, la crise sanitaire traversée a mis une nouvelle question sur la table : celle de la valeur de la vie. En effet, pour savoir s’il était cohérent de mettre le pays sur pause et donc de provoquer une crise économique sans précédent, il a été nécessaire d’évaluer le coût de la vie humaine. Cette question peut déranger du point de vue éthique et Nicolas Bouzou se demande comment il est possible de calculer la valeur d’une vie humaine ? La valeur de la vie augmente avec l’âge car le nombre d’années à vivre diminue. Ainsi, cela explique le choix fait par le gouvernement de privilégier la santé des plus âgés au détriment de la vie des autres. Pour l’essayiste, il est préférable de prendre le risque d’une dépense de santé importante plutôt que de rationaliser, ce qui ne sera pas forcément plus intéressant économiquement. L’économie a un rôle important dans le système de santé. Le problème qui se pose aujourd’hui en France est l’encadrement strict des dépenses de santé que Nicolas Bouzou nomme le rationnement. Finalement, pourquoi encadrer autant ces dépenses ? La première contradiction possible est que cela influe sur notre liberté dans le domaine de la santé. L’auteur critique cela et propose de libérer l’économie de la santé afin d’apporter l’assistance la plus adaptée aux patients. D’un point de vue économique, il est important de prendre en compte le coût des soins, mais aussi les économies faites sur le long terme par des traitements qui ne seront plus nécessaires à la suite de la thérapie. Cette crise a révélé une réelle fracture entre l’État et les habitants, car les choix n’ont pas toujours été compris et acceptés. Pourtant, Nicolas Bouzou critique l’idée que l’État n’a pas pu empêcher la propagation du Covid-19. Pour lui, il n’était pas possible de tout prévoir et, même si des progrès technologiques ont été réalisés et des politiques de prévention mises en place, les crises sanitaires ne sont pas évitables.

Innovations technologiques : avenir de la médecine ?

Depuis de nombreuses années, les nouvelles technologies ont permis de faire avancer la médecine et les soins de manière très rapide. La technologie s’est mise au service de la santé. C’est notamment le cas de l’application StopCovid, développée en 2020 afin de permettre d’être prévenus en cas de contact avec une personne infectée par le Covid-19. Néanmoins, Nicolas Bouzou souligne un paradoxe français. En effet, une partie de la population reproche souvent la trop faible utilisation des technologies dans le domaine de la santé mais, quand cela est fait, elle craint que ses données ne soient utilisées contre son gré. Cela montre la place de plus en plus grande que les données occupent dans le système médical. En effet, elles permettent notamment une meilleure prise en charge des patients et un lien plus simple entre les professionnels de santé et le malade. C’est le cas du dossier médical partagé (DMP)3 mis en place afin de permettre au patient et à tous les professionnels de santé de pouvoir consulter les documents médicaux du malade et donc d’assurer une meilleure prise en charge de la maladie. Face au développement de ces technologies, l’aspect humain se trouve parfois mis de côté. Les robots développés demandent davantage d’humanisation des structures d’accueil afin que le patient garde un lien avec le personnel des structures de santé. Dès lors, Nicolas Bouzou affirme que « La technologie augmente la fiabilité de la médecine et libère du « temps médical » » (p.278). Pour lui, les innovations, dont l’intelligence artificielle, permettent au professionnel de santé de bénéficier de l’appui d’une machine qui va rendre un avis sur son diagnostic, que le médecin sera libre ou non de suivre. Ainsi, ce dernier pourra davantage se concentrer sur les autres aspects de la prise en charge. La machine peut-elle donc remplacer l’Homme à l’hôpital ? Non : c’est ce que répond Nicolas Bouzou. Pour l’essayiste, le besoin d’empathie et d’humanité va être davantage exacerbé avec l’arrivée des technologies. Ainsi, les métiers du soin auront une place de plus en plus importante, afin d’instaurer de l’empathie dans ces structures. Néanmoins, l’auteur souligne un problème : celui de la présence d’infirmières dans les hôpitaux. En effet, celle-ci est très faible, faute de moyens. Ainsi, Nicolas Bouzou préconise de faire rentrer le capitalisme dans notre système de santé, afin de pouvoir bénéficier d’un plus grand nombre de professionnels de santé. En effet, selon lui, le problème qui se pose aujourd’hui en France est le rationnement, l’encadrement strict des dépenses de santé. Pourquoi encadrer autant ces dépenses ? Cela influe sur notre liberté dans le domaine de la santé et empêche le système de se développer et d’offrir la meilleure prise en charge. Cela est notamment le cas à l’hôpital. L’hôpital public est aujourd’hui financé en France grâce à la T2A, qui signifie tarification à l’activité, et qui a été instaurée en 2004 dans le cadre du plan « Hôpital 2007 »4. Ce système repose finalement sur l’attribution de financements en fonction du nombre d’actes réalisés. Ce qui est reproché à ce système est la course à la rentabilité : en effet, plus un hôpital réalise des soins, plus il est financé. Ainsi, « C’est donc aussi un défi politique : les progrès dans le domaine de la santé s’épanouissent dans une société ouverte » (p.118).

Pour conclure, dans son ouvrage, Nicolas Bouzou développe une réflexion autour de la santé et de son évolution au fur et à mesure de l’Histoire. Homo sanitas permet d’avoir une vision globale de la question et de comprendre l’importance de la santé dans la vie d’un pays et de ses habitants. Par ailleurs, son ouvrage, publié un an après le début de la crise du Covid-19 en France, permet d’appréhender le domaine de la santé de manière différente, en voyant des possibilités de politiques sanitaires futures. Nicolas Bouzou réussit à évoquer les grandes problématiques liées à la santé : économiques, technologiques, éthiques, de manière synthétique et claire. Il étaye son propos en citant de nombreux auteurs, scientifiques et penseurs ce qui appuie davantage sa réflexion. Homo sanitas lui a valu d’être invité sur des plateaux de télévision afin d’évoquer la crise du Covid-19. Par ailleurs, le fait qu’il ait participé aux réunions économiques illustre la manière dont la gestion de la crise a été pensée par nos dirigeants. Enfin, cet ouvrage permet d’éveiller les consciences sur les enjeux des politiques de santé d’un pays.

Notes de bas de page

  • 1 Gayon, Jean. Darwin et l'après-Darwin. Une histoire de l’hypothèse de sélection naturelle, nouvelle édition revue et corrigée par Parot Françoise. Éditions Matériologiques, 2019

  • 2 Gontier, Thierry. « Le corps humain est-il une machine ? Automatisme cartésien et biopouvoir », Revue philosophique de la France et de l'étranger, vol. tome 126, no. 1, 2001, pp. 27-53.

  • 3 Dufour-Coppolani, Danielle, et Parina Hassanaly. « Écosystème de santé : nouveaux modes de régulation de l’information », I2D - Information, données & documents, vol. volume 53, no. 3, 2016, pp. 28-29.

  • 4 Holcman, Robert. Management hospitalier. Manuel de gouvernance et de droit hospitalier. Dunod, 2017