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Covid, le nom d’une crise où tous les coups sont permis, peu importe les coûts

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La pandémie de Covid-19 a obligé chaque État à réadapter urgemment ses systèmes économiques, sociaux, politiques et juridiques. Cette crise ayant accentué des dysfonctionnements déjà présents dans nos structures sociétales, est l’occasion d’en faire un bilan. C’est ce que propose le juriste et philosophe belge François Ost dans son ouvrage De quoi le Covid est-il le nom ? publié en mai 2021. Il dresse un constat panoramique, autour de onze questions transversales, allant de la santé publique à la communication politique. En proposant une œuvre synthétique, l’auteur choisit d’aborder les grandes questions juridiques posées par la pandémie en en excluant d’autres plus éthiques ou scientifiques. Bien que l’ouvrage mette en perspective ces enjeux depuis la Belgique, il surprend par sa proximité avec la France. François Ost joue de ses influences philosophiques en apportant moins des réponses que des éléments de réflexion, invitant le lecteur à penser par lui-même les solutions. À la lecture de l’ouvrage, répondre que le Covid est uniquement le nom d’un virus n’est plus possible, au regard de toutes les problématiques qu’il souligne. Aussi transversales soient-elles, elles sont profondément liées. Leur interdépendance conduit l’auteur à donner au covid le nom d’une syndémie[1].


 

La pandémie de Covid-19 a obligé chaque État à réadapter urgemment ses systèmes économiques, sociaux, politiques et juridiques. Cette crise ayant accentué des dysfonctionnements déjà présents dans nos structures sociétales, est l’occasion d’en faire un bilan. C’est ce que propose le juriste et philosophe belge François Ost dans son ouvrage De quoi le Covid est-il le nom ? publié en mai 2021. Il dresse un constat panoramique, autour de onze questions transversales, allant de la santé publique à la communication politique. En proposant une œuvre synthétique, l’auteur choisit d’aborder les grandes questions juridiques posées par la pandémie en en excluant d’autres plus éthiques ou scientifiques. Bien que l’ouvrage mette en perspective ces enjeux depuis la Belgique, il surprend par sa proximité avec la France. François Ost joue de ses influences philosophiques en apportant moins des réponses que des éléments de réflexion, invitant le lecteur à penser par lui-même les solutions. À la lecture de l’ouvrage, répondre que le Covid est uniquement le nom d’un virus n’est plus possible, au regard de toutes les problématiques qu’il souligne. Aussi transversales soient-elles, elles sont profondément liées. Leur interdépendance conduit l’auteur à donner au covid le nom d’une syndémie1.

Le Covid, le nom d’un dilemme

Afin de garantir la santé du plus grand nombre, la plupart des pays du globe ont procédé à la suspension totale ou partielle des libertés. Plier momentanément pour ne pas rompre définitivement2, à cet égard, les mesures de restriction se doivent d’être temporaires et réduites à des « nécessités mesurées ». La dimension collective l’a emporté sur les libertés individuelles, donnant à la santé publique, une valeur suprême3.

Un nom pluriel 

François Ost pose les questions qui fâchent : quelle civilisation pourrait durablement sacrifier les plus jeunes et les actifs à la survie des plus âgés ?4 Réaliste pour certains et inaudible pour d’autres, cette remarque renvoie à la problématique du confinement de la population âgée. Bien que le principe veuille que la mise en exergue des droits individuels n’implique le primat d’aucuns ni l’oubli des droits collectifs, l’actualité de la crise du Covid pose la question du sacrifice d’une partie de la population au détriment d’une autre. L’auteur s’est emparé de ces réflexions pour s’intéresser à ce qui est un « dilemme sanitaire » : dans quelles mesures le droit à la protection de la santé en tant que droit collectif peut-il l’emporter sur les droits individuels ?

Les mesures sanitaires traduisent des choix politiques qui augmentent l’étendue de la santé publique en imposant sa primauté au nom de sa dimension collective. Le juge constitutionnel reconnaît une conception duale du droit à la protection de la santé. L’une est individuelle et subjective en tant que droit fondamental individuel et l’autre est sociale et objective dans l’intérêt de la collectivité. Alors même que ce droit semble bénéficier d’une réelle justiciabilité, au sens de la possibilité de soumettre au juge le contrôle du respect d’un droit, la jurisprudence révèle une meilleure garantie de la dimension collective du droit à la protection de la santé. L’auteur transpose cette analyse juridique à la crise sanitaire pour démontrer qu’elle a justifié d’imposer des restrictions aux individus au nom de la santé de tous.

Alors que, la volonté de protéger la santé mentale des jeunes est conforme au fait que le droit à la protection de la santé les concerne aussi bien que les catégories ultérieurement visées par le préambule de la Constitution de 1946, François Ost utilise la crise sanitaire pour affirmer la prévalence de la protection de la santé publique, composante de l’intérêt général, sur les intérêts particuliers. Le droit individuel à la santé est donc en même temps un droit collectif qui l’emporte sur les autres droits individuels.

Les maux de l’individualisme 

Pourquoi la mise entre parenthèses des libertés fondamentales est-elle mal perçue alors même qu’elle favorise et protège la santé du plus grand nombre ? Si les citoyens sont marqués voire choqués du fait que les États aient assuré la primauté de la santé publique, c’est bien parce que la société contemporaine se focalise essentiellement sur ce qui est individualiste, principalement en matière de libertés. L’auteur ne s’est pas questionné sur ce point d’axiome : si la population portait plus d’importance au droit à la santé publique plutôt qu’à un libre arbitre individuel sur cette dernière, les réactions auraient pu être différentes, la question de la légalité des actes aurait pu ne pas être soulevée. Car aujourd’hui la norme, c’est l’individualisme, non pas la santé publique, perçue presque comme un prétexte pour restreindre les libertés. Le lecteur sociologue ou philosophe découvrira dans cet ouvrage un certain nombre de syndromes laissés en suspens sur lesquels il pourrait aisément s’interroger.

La crise covid est le nom d’une rupture et s’illustrera par ses conséquences dans ce qu’on a communément appelé « l’après »5. Comme le Président E. Macron l’a souligné dès la levée du confinement en mai 2021 : les citoyens ne retrouveront pas la vie d’avant tant le covid a été traumatique. Certains ne viendront plus qu’une journée au siège de leur entreprise, d’autres ne prendront plus que la voiture au détriment des transports en commun : le lien social, déjà gangrené par l'individualisme, s’effrite de plus en plus.

Alors qu’un cercle vicieux se dessine, l’après crise peut aussi être le moment de tirer profit de l’élan de solidarité qui a traversé les sociétés. La détresse engendrée par la pandémie a dévoilé un souci de l’autre, conduisant à des efforts de charité et d’entraide. Mais la compassion et la solidarité collective n’étaient-elles que passagères ?

Le Covid, le nom d’un coût social

Les populations, peu importe le pays dans lequel elles vivent, ont payé le prix du covid. François Ost précise dans son ouvrage que les coûts de la crise vont se ressentir sur le long terme. On ne parle pas seulement des conséquences économiques, mais aussi et surtout du coût social traumatique profondément marqué par le poids de la solitude et de l’éloignement.

Le nom d’une solidarité partielle

Les plans de santé publique et d’urgence sanitaire ont été les parfaits outils pour justifier les décisions prises au début de la crise. Ils ont été accompagnés de « mesures de solidarité »6 encadrant notamment les revenus des Français avec le chômage partiel, la mise en place des prêts garantis par l’État et le report de certaines charges. François Ost insiste sur l’étendue de ces mesures. Néanmoins, il souligne l’importance de la distinction entre la santé mentale et la santé physique. Selon lui, la seconde ne garantit pas la première. Dès les premières pages il alerte sur l’impact de la crise relatif à la sphère de l’intime avec un repli sur soi, l’engourdissement des plus jeunes, les dépressions collectives7. Les conséquences des mesures sanitaires en sont une preuve évidente aux yeux de l’auteur qui constate que la survie physiologique a immédiatement été déclarée comme prédominante par rapport à la survie de la vie sensée.

Mais pourquoi la recherche aboutie des vaccins, qui a d’ailleurs permis une « réouverture du monde », n’a-t-elle pas été l’illustration d’une solidarité parfaite ? L’annonce du partage des vaccins entre les pays du monde entier s’est révélée symbolique : la réelle répartition a essentiellement bénéficié aux pays développés. François Ost regrette cette absence de solidarité. Mais on peut facilement lui opposer son idéalisme. Avant d’être l’illustration parfaite des stratégies géopolitiques, la recherche de vaccins a constitué un enjeu crucial aux conséquences déterminantes pour la relance économique. Certes, les vaccins, au-delà des investissements colossaux qu’ils nécessitent, devaient faire l’objet d’une stratégie mondiale auquel cas l’objectif d’endiguer la pandémie ne pouvait être atteint. En dépit de l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de l’OMS, la nécessité du consensus autour de la méthode vaccinale et de son assimilation collective par les États ne s’est pas concrétisée. L’ambition de faire des vaccins8 des biens publics mondiaux s’est heurtée à la loi du marché et à l’organisation limitée de la gouvernance internationale.

Une urgence sanitaire au détriment des libertés

Le droit de la santé publique s’est-il implicitement mis au service de la restriction des libertés ?9 La covid a mis entre parenthèses le fonctionnement normal de la société, à savoir la liberté est la règle, la restriction l’exception10. Dès le mois de février 2020, l’inquiétude d’une santé publique qui se dégrade de façon significative conduit les décideurs à prendre des mesures drastiques considérant que la protection de la santé publique passe en priorité. En tant que professionnel du droit, François Ost constate la mobilisation de l'imperium puisque l’état de nécessité justifie des dérogations. Ce choix politique, souvent guidé par des courbes à la hausse et des rapports scientifiques, demeure discrétionnaire alors que la crise ne s'accommode pas à des statistiques11. L’état d’urgence a conduit à un basculement où « les passe-droits” de l’urgence traduisent la prévalence du fait sur la légalité, le tout légitimé par une manière pragmatique de raisonnement pour laquelle la fin justifie les moyens »12. La rationalité des juristes sera sans doute dérangée face à la prévalence du fait urgent sur la légalité des droits et libertés. Mais chaque individu est capable de se dire que la fin justifie les moyens. La question majeure est de savoir jusqu’où ? quoi qu’il en coûte ?13

Les Européens, pendant la crise, ont su faire preuve de résilience, renonçant parfois aux seuls liens sociaux restants. Il semble donc qu’une population mue par la peur soit prête à tolérer, voire à s’accoutumer de nombreuses restrictions, c’est d’ailleurs ce qu’a soulevé le Pr Patrick Wachsmann : sous l’effet de la peur, gouvernés et gouvernants, organes de décision et de contrôle ont consenti des limitations considérables aux libertés14.

Malgré un sentiment de lassitude dû à deux ans de pandémie, les populations consentent une fois de plus à limiter leurs libertés au nom de la santé collective. Les puristes des libertés fondamentales apprécieront l’argumentaire de François Ost sur la nécessité mesurée : toutes les mesures politiques restrictives doivent être contrôlées par un juge, et notamment leur proportionnalité. En ce sens, il regrette que les juridictions aient répugné à exercer une censure qui aurait pu s’apparenter à une entrave à la politique menée15. De nombreuses interrogations sont à soulever afin d’éviter une crise sociale, mue par un état d’exception et une population à bout de souffle.

Le Covid, le nom d’une injustice 

En Belgique comme en France, l’absence de débat politique autour des mesures de lutte contre l’épidémie a créé une forte attente de la société civile envers les juges, notamment administratifs et constitutionnels. Force est de constater que le recours juridictionnel, pourtant protégé par des normes constitutionnelles et conventionnelles, n’a pas été effectif : la nécessité l’a emporté sur la Légalité. De surcroît, le rempart européen protégeant les libertés fondamentales n’a pas été un frein suffisant pour endiguer ce phénomène. Comme le chêne de La Fontaine, ces pays voisins pensaient braver l’effort de la tempête avant que le vent ne les déracine. François Ost, auteur de l'ouvrage De quoi le covid est-il le nom ? livre sur ce sujet un certain nombre de réflexions, sans dégager de conclusions ou de solutions nettes.

Le nom du primat de la nécessité sur la légalité

En bon ouvrage de philosophie politique, l'œuvre se concentre autour d’un des principaux paradoxes dans la gestion de la crise sanitaire : une situation d’urgence entraînant un nombre croissant d’atteintes à la légalité associée à un souci de cette dernière en déclin. De cet état de fait, l’auteur affirme deux éléments. Un premier relatif à la causalité unanimement retenue par les juristes : le rejet des requêtes introduites devant les juridictions administratives au stade de la recevabilité. Un second relatif aux conséquences qui en ont résulté telles que l’émergence d’un sentiment d’injustice et d’arbitraire, l’alignement du droit sur le fait, la consolidation d’une culture sécuritaire etc. Si une partie de ces éléments avait déjà été analysée par la doctrine juridique dans des revues spécialisées, la comparaison des cas belge et français16 est un des apports majeurs du livre. On apprend que le « tri » excessif des requêtes pour défaut d’urgence ou encore que la volonté de ne pas entraver la politique générale de gestion de la pandémie ont été partagés des deux côtés de la frontière. Le cadre d’analyse proposé omet pourtant que l’adaptation de son office au contexte épidémique était un devoir pour le juge administratif français compte tenu de la mission de contrôle expressément insérée par le législateur français dans la loi sur l’état d’urgence sanitaire du 23 mars 2020. L’ambiance philosophique dans laquelle François Ost se place implique que soient posées des questions ou des pistes de réflexion sans que l’auteur impose sa conviction au lecteur. Ce dernier ne trouvera donc pas ici de point de vue explicite quant au non-respect du droit à un recours juridictionnel effectif ou à la qualité de l’activité juridictionnelle. Cela suffira au citoyen désireux de comprendre les enjeux juridiques généraux soulevés par la pandémie mais manquera au juriste bien au fait de l’actualité souhaitant approfondir l’impact des mesures de lutte contre l’épidémie sur la légalité.

Le nom d’une fracture institutionnelle

Lors de sa parution, De quoi le covid est-il le nom ? était le premier essai doctrinal17 à souligner les divergences de positions face aux méthodes de gestion de la crise entre les ordres juridictionnels internes ainsi que le défaut d’activation de l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme. Bien qu’excluant l’action des juridictions constitutionnelles, l’étude des statistiques juridictionnelles réalisée par l’auteur insiste sur le courage politique manifeste du juge judiciaire, belge notamment, qui contraste avec le renoncement du juge administratif. Néanmoins, la place des institutions et juridictions interétatiques dans le contrôle des mesures-covid n’est devenue un sujet d’analyse que dans les parutions scientifiques récentes. La prise de position toute récente de la Cour de Strasbourg concernant l’obligation vaccinale imposée en France aux sapeurs-pompiers est une preuve de la justesse et de l’actualité de son propos. François Ost s’empare alors de cette thématique pour prendre position directement en livrant au lecteur une analyse juridique et technique du refus des États d’activer l’article 15 de la Convention de 195018. S’il regrette ce choix, il n’explicite pas les conséquences concrètes de ce refus, telles que la modification et l’assouplissement du contrôle juridictionnel européen afin d’éviter les sanctions systématiques des États. Il ne va pas non plus jusqu’à confronter ces choix politiques et institutionnels avec les autres systèmes juridiques inter-étatiques de protection des droits fondamentaux. En revanche, grâce à la perspective comparative de l'ouvrage, le lecteur découvrira avec étonnement que deux ordres juridiques proches, historiquement comme institutionnellement, ont fait des choix radicalement différents pour protéger leur population. Effectivement, la France a fait le choix, au moins sur la forme, d’associer le Parlement à la gestion de la crise via le vote de plusieurs lois instituant et prorogeant l’état d'urgence sanitaire. La Belgique n’a pourtant géré la situation qu’à travers des arrêtés royaux de façon autoritaire et éloignée des citoyens. Le questionnement philosophique de l’auteur sur le caractère démocratique de la conduite de l’État pendant la crise apparaît comme d’autant plus pertinent.

Le Covid, les maux de notre système démocratique 

François Ost fait le choix de ne pas consacrer une partie entière aux limites démocratiques que la crise a accentuées. Cette problématique suit l’ensemble des grandes questions posées dans l’ouvrage, soulignant l’importance et l’omniprésence de l’enjeu démocratique.

Le nom d’une atonie du débat parlementaire

La situation d’urgence pandémique a impliqué la révision du circuit de prise de décision politique. Afin de satisfaire le besoin de rapidité, les pouvoirs des parlements belge et français ont été fortement encadrés. Certes, ces travaux ont été maintenus, mais ils l’ont été dans un mode pouvant être qualifié de dégradé. François Ost n’évoque pas exhaustivement les restrictions imposées au législateur par le pouvoir réglementaire, mais il porte une attention particulière au déficit du débat parlementaire. Moment privilégié de la démocratie au sein du processus décisionnel public, il est aussi l’étape où les représentants confrontent la pluralité de leurs idées, ajoutant des longueurs qui ne sont pas les bienvenues en période d’urgence. En mentionnant de manière récurrente au cours de l’ouvrage l’absence de débat public pour chacune des décisions, sans mentionner explicitement l’oubli du Parlement, le lecteur ressent le manque de légitimité démocratique ambiant, présent durant la gestion pandémique. Il peut d’ailleurs en être étonné, le menant à questionner par lui-même, à la lecture de chaque chapitre, l’effectivité du jeu démocratique.

Le nom d’une dérive épistrocratique

En ne s’attardant pas sur les limitations faites au Parlement, l’auteur se focalise sur leurs conséquences, à savoir la prépondérance de l’exécutif et celle des experts. Ils sont les interlocuteurs privilégiés d’un Gouvernement ayant fait le choix de s’appuyer exclusivement sur l’avis scientifique factuel, sans confronter celui-ci aux enjeux de société n’ayant pu faire l’objet de débats parlementaires. L’angle choisi par François Ost permet au lecteur de comprendre comment cet avis a absorbé ceux produits par les corps intermédiaires, pluralistes, privant les citoyens d’éléments de débats. Dès lors, est soulignée l’inquiétante dérive épistocratique se développant au cours de la pandémie : la décision glisse dans les mains des “sachants” qui n’ont plus uniquement un rôle de conseil. Le problème est celui du bien-fondé des mesures19, auquel l’auteur consacre un chapitre. Ainsi, le Gouvernement discrédite l’expertise des institutions traditionnelles d’une part, mais questionne la légitimité de ces nouveaux décideurs non démocratiques d’autre part. François Ost est plutôt sévère avec ce choix de gestion managériale justifié par des courbes et propose un traitement politique relevant de la raison pratique arbitrant entre options concurrentes et raisonnables.

Le nom d’une mauvaise communication

Les constats dressés par l’auteur lui permettent d’affirmer que l’efficacité des mesures repose sur la confiance des usagers. Cette confiance, les gouvernements belge et français n’ont pas réussi à la sauvegarder : elle a même décliné. La verticalité de l’information politique, n’ayant laissé ni place au débat public, ni à la lecture de la crise sous un prisme pluraliste, a plongé les citoyens dans le renoncement. François Ost souligne à juste titre que l’intérêt général, au départ constitué par la préservation des plus fragiles, s’est déplacé vers un intérêt plus individualiste, nourri par un sentiment de lassitude. Pour les citoyens, la déconnexion est évidente entre le temps de la réflexion et le temps de la décision. Alors François Ost s’accorde avec d’autres chercheurs pour conclure qu’il faut associer de façon plus directe les citoyens à la prise de décision politique20; les décideurs publics ont sous exploité les approches plus participatives lors de la pandémie. L’auteur ne soulève pas cependant la déconnexion des outils existants aux réalités sociales. Mais en plaçant cette proposition au sein de la liste des défis à la fin de son ouvrage, il invite aussi le lecteur à les repenser.

Posant les bases du cadre utilisé en Belgique comme en France pour protéger les citoyens de la menace épidémique, l’ouvrage livre à différents types de lecteurs des pistes de réflexion tant philosophique que juridique. S’il n’est pas destiné qu’aux professionnels du droit, le livre est un des premiers à innover en proposant une comparaison des différentes gestions étatiques de la crise. Le fait que la doctrine juridique ne commence à se saisir qu’aujourd’hui de certaines des idées-forces de l’ouvrage témoigne de la pertinence du propos de son auteur. Néanmoins, certains sujets méritent aujourd’hui d’être actualisés compte tenu des évolutions constantes du pouvoir normatif ou des juridictions internes comme inter-étatiques. Récompensé au mois de novembre dernier par le prix du « Livre Politique » au salon de Liège en Belgique, en tant qu’il alimente le débat démocratique, le livre détonne par la pluralité des disciplines qu’il analyse : philosophie, politique, juridique, sociale. Ayant le courage de traiter un sujet sensible, encore d’actualité et dont on ne connaît pas à ce jour toutes les conséquences, il est à même de satisfaire un lecteur avide de connaissances, souhaitant prendre un certain recul sur les événements.

Notes de bas de page

  • 1 Syndémie : (Médecine, Épidémiologie) Entrelacement de problèmes de santé pour une personne (physiques, et/ou psychiques) qui se renforcent mutuellement les uns les autres, et portent atteinte à la santé globale de la personne. Source : https://www.lalanguefrancaise.com/

  • 2 OST F., De quoi le covid est-il le nom, Académie royale de Belgique, 2021, Septième question - Droit, quelles atteintes aux droits fondamentaux ?, p.71

  • 3 OST F., ibid, note 1, Troisième question - La santé, une valeur ou un bien ? et la mort, un tabou ?, p. 31-38

  • 4 OST F., ibid note 1, p. 33

  • 5 OST F., ibid note 1, Et après ?, p. 105-108

  • 6 OST F., ibid note 1, Sixième question - Droit, quelles mesures de solidarité ?, p. 57-62

  • 7 OST F., ibid note 1, À bout de souffle ?, p. 8

  • 8 OST F., ibid note 1, Neuvième question - Les vaccins, des biens publics mondiaux ?, p. 91-96

  • 9 OST F., ibid note 1, Septième question - Droit, quelles atteintes aux droits fondamentaux ?, p. 63-78

  • 10 OST F., ibid note 1, Cinquième question - Nécessité, exception, urgence : quel cadre juridique ?, p. 47-56

  • 11 OST F., ibid note 1, Deuxième question - Pourquoi faut-il discuter aussi du bien fondé des mesures ?, p. 17-29

  • 12 OST F., ibid note 5, p.54

  • 13 OST F., ibid note 1, Quatrième question – « Quoi qu’il en coûte », vraiment ?, p. 39-46

  • 14 Article du Pr Patrick Wachsmann « les libertés prises pour lutter contre la propagation du covid-19 : une accoutumance aux régimes d’exception », 13 mai 2020. Think tank Le club des juristes.

  • 15 OST F., ibid note 8, p. 63

  • 16 OST F., ibid note 1, Huitième question - Une loi « Pandémie » ?, p. 79-90

  • 17 Avant cet essai, beaucoup d'articles théoriques sur les actions menés par différents États ont été publiés. Voir notamment Kahn, Sylvain. « La crise sanitaire en Europe : face au lourd bilan, la relance de la construction européenne », Hérodote, vol. 183, no. 4, 2021, pp. 163-179 ou encore Houssin, Didier. « La coopération sanitaire internationale à l’épreuve du COVID-19 », Politique étrangère, vol. , no. 3, 2020, pp. 33-45. Voir aussi : les dérogations covid au titre de l'article 15 du Conseil de l'Europe https://www.coe.int/fr/web/conventions/derogations-covid-19

  • 18 http://libertescheries.blogspot.com/2020/04/covid-19-larticle-15-un-pari-pas-du.html

  • 19 OST F., ibid note 10

  • 20 OST F., ibid note 1, Dixième question - Quelle communication, quelle adhésion ?, p. 97-104