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L'action extérieur des outre-mer : une diplomatie démultipliée ?

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La décentralisation des années 1980 a peu envisagé le cas particulier des outre-mer se voyant assez vite associée à la présence française dans un contexte géopolitique tendu du fait des essais nucléaires dans le Pacifique, de l’affaire du Rainbow Warrior et des tensions existantes en Nouvelle Calédonie. Il faut attendre les années 1999-2000 qui vont être marquées par une nette inflexion au profit des collectivités d’outre-mer pour leur donner plus de responsabilités en matière d’action extérieure et aller vers une véritable association à la diplomatie de la République. Globalement les nouvelles dispositions juridiques existant depuis 20 ans ont été mises en œuvre. Surtout, il faut relever une réelle volonté de l’État d’aboutir à une véritable conjonction de l’action des outre-mer et de celle de la République dans leur zone géographique. Ainsi par exemple les collectivités ultramarines ont intégré les organismes régionaux internationaux ou, sont sur le chemin de le faire. Cependant, au-delà de ce satisfecit d’ensemble « juridico administratif », force est de constater qu’au plan de l’action concrète en matière économique, sociale, environnementale ou de gestion de crises, le développement de la coopération régionale des collectivités d’outre-mer a produit des résultats concrets encore assez faibles.


En matière d’action extérieure des collectivités territoriales, ou pour retenir le vocable le plus généralement utilisé pour les outre-mer de « coopération régionale », la singularité de nos différentes collectivités d’outre-mer quel que soit leur statut : DOM, COM ou Nouvelle Calédonie, paraît être une évidence.

Pour des raisons géographiques d’abord, l’éloignement de la Métropole et de l’Europe, leur caractère insulaire pour la quasi-totalité d’entre elles – exception faite de la Guyane bien sûr – font que les notions mêmes de voisinage, de coopération transfrontalière, etc. sont très différentes par essence.

Par ailleurs, il faut bien considérer que « le (s) voisin (s) » de nos outre-mer sont d’abord des États, à la superficie et population assez comparable, par exemple La Dominique ou Sainte-Lucie pour les Antilles ou le Vanuatu pour la Nouvelle Calédonie ou Kiribati pour la Polynésie Française mais distants de quelques dizaines, centaines, voire milliers de kilomètres – ainsi il faut plusieurs heures d’avion pour aller de Tahiti à Tarawa, l’île siège de la capitale de Kiribati.

Mais cette distance géographique et les différences institutionnelles des pays souvent sans collectivités locales au sens où nous l’entendons ou fédéraux parfois (cf. Brésil) coexistent avec de fortes convergences culturelles : le monde créole Caraïbo Antillais ; les pays mélanésiens pour la Nouvelle Calédonie ; les peuple(s) maori(s) pour la Polynésie Française et des préoccupations environnementales de plus en plus communes : montée des océans, événements extrêmes types cyclones, etc.

Il faut également insister sur le fait que l’environnement économique et social régional de nos outre-mer représente un facteur de singularité évidente pour nos collectivités ultramarines. En métropole « les voisins » des collectivités territoriales évoluent dans un monde assez homogène, lié à l’histoire, au développement économique et social et bien sûr à l’intégration européenne, il n’en est pas de même en outre-mer.

Et pourtant cette singularité, ces différences, nous avons tardé, en matière d’action extérieure des collectivités, à les reconnaître, à les prendre en compte, créant par-là parfois un sentiment de frustration des élus et des citoyens ultramarins fort soucieux de leur insertion dans leur environnement régional et confrontés à des situations que notre droit national ignorait. On peut résumer la situation en citant la députée de la Polynésie Française, Maïna Sage, qui déclarait en 20161 « La France n’est pas qu’hexagonale et européenne, elle est mondiale et maritime ».

À la fin du XXe siècle, chacun avait constaté que « l’autonomie » institutionnelle reconnue en matière d’action extérieure à la Polynésie Française et bien sûr le statut, ô combien particulier, de la Nouvelle Calédonie depuis les accords de Matignon et son statut de 1999 — fort spécifique — avaient beaucoup poussé à organiser de façon originale, les spécificités des outre-mer sans que cela génère des difficultés pour la République au plan intérieur ou des relations internationales

Aujourd’hui, l’État a admis que les attentes des élus d’outre-mer pour être des acteurs de la co-construction des relations extérieures de notre pays étaient légitimes et que les outre-mer représentaient au plan géopolitique un formidable atout pour notre pays. Et donc qu’une diplomatie partagée et donc « augmentée » servirait à faire plus et mieux pour la République et pour les outre-mer, bien sûr si les textes étaient suivis d’effets concrets, ce qui reste encore parfois à confirmer.

Une prise en compte croissante au plan juridique de la spécificité des outre-mer

La décentralisation des années 1980 a peu envisagé le cas particulier des outre-mer se voyant assez vite associée à la présence française dans un contexte géopolitique tendu du fait des essais nucléaires dans le Pacifique, de l’affaire du Rainbow Warrior et des tensions existantes en Nouvelle Calédonie.

 Une lente progression jusqu’aux années 2000

Le sujet a évolué lentement et en distinguant bien les 4 DOM de l’époque des Territoires de l’Océan Pacifique. Concernant les DOM la loi 82-1171 du 31 décembre 19822 entrouvre timidement la porte d’un régime particulier en prévoyant que les conseils régionaux peuvent être saisis pour avis de tous les projets d’accords concernant la coopération régionale en matière économique, sociale, technique, scientifique, culturelle, de sécurité civile ou d’environnement entre la République Française et les États de la mer des Caraïbes ou les États voisins de la Guyane… et les États de l’Océan Indien (pour La Réunion.)

On notera le caractère « facultatif » de la consultation qui paraît somme toute regrettable, et le champ très large des matières proposées — et leur modernité puisque l’environnement est mentionné. Surtout, il faut relever l’apparition de l’expression « coopération régionale » qui va s’imposer pour l’outre-mer en lieu et place des deux expressions couramment utilisées : coopération décentralisée ou action extérieure des collectivités. Mais les dispositifs nationaux tardent à intégrer la spécificité des outre-mer. Ainsi la circulaire3 du Premier ministre Pierre Mauroy en 1983 sur l’action extérieure des collectivités locales ne prévoit aucune disposition particulière pour les collectivités ultramarines.

Une évolution se fait jour en 1985, avec la circulaire de Laurent Fabius4 qui indique que pour tenir compte des problèmes spécifiques que posent leur éloignement et leur environnement politique des outre-mer, des dispositions « ad hoc » seront prises. Ce sera le cas avec la circulaire du 12 mai 19875 de Jacques Chirac relative aux DOM, publiée en même temps qu’une circulaire générale sur l’action extérieure des collectivités territoriales.

Elle resitue bien la question dans sa dimension régionale (au sens géopolitique) de la France Outre-mer, la République affirmant sa volonté « d’intensifier les échanges économiques, techniques et culturels… dans la Caraïbe et l’Océan Indien ». Par ailleurs ce texte précise que « l’action extérieure des départements et régions d’outre-mer » a « une dimension particulière » pour les collectivités elles-mêmes. Le lien est établi entre le fait que notre pays veut s’affirmer dans les espaces ultramarins et que, dans ce cadre, les collectivités territoriales ont un rôle à jouer « particulier ». Elle qualifie « d’opportune » voire « nécessaire » la participation des élus aux négociations menées par l’État pour préparer ces accords reprenant une revendication des élus locaux d’outre-mer notamment aux Antilles.

Dans la zone Caraïbes-Guyane, le gouvernement de Michel Rocard va définir, par décret, un dispositif original6, mais un peu compliqué, avec la création d’un « Comité interministériel de la coopération régionale Antilles-Guyane » et d’un « délégué interministériel à la coopération régionale Antilles-Guyane placé auprès du Premier ministre » — rapidement le préfet de Guadeloupe remplira cette fonction.

S’agissant des organismes régionaux, en 1994, l’Association des États de la Caraïbe (AEC) est créée, à laquelle la France adhère en 1997 comme membre associé « au titre de la Guadeloupe de la Guyane et de la Martinique ». Le rapport Lise-Tamaya de 1999 relève que « la tradition a été prise de faire représenter la France au Conseil des ministres de l’AEC par l’un des 3 présidents des conseils régionaux qui s’exprime au nom de la République Française sur la base des instructions qui lui sont remises par le Ministère des Affaires étrangères »7.

Ce même rapport fait état de difficultés de fonctionnement de ce dispositif, soulignant les « limites aujourd’hui rencontrées dans le développement de la coopération régionale (pour les DOM) »8, et que les collectivités sont « encore insuffisamment associées aux actions conduites par l’État »9. Enfin, il souligne que la place des départements d’outre-mer au sein des organisations régionales reste « aujourd’hui incertaine »10. Les deux parlementaires plaident dans la seconde partie de leur rapport11 pour une forte évolution, afin d’« accroître les compétences » des collectivités en matière de coopération régionale.

La situation des collectivités du Pacifique a, dès les années 1980, été marquée par une volonté claire de l’État d’encourager leur implication dans la coopération internationale régionale. (Juridiquement ceci est sans lien avec leur statut de TOM dans le cadre de l’article 74 de la Constitution). Cette situation résulte des évolutions institutionnelles décidées par la République dès le début des années 1980 pour la Polynésie Française et la Nouvelle Calédonie et d’autre part de l’existence, ancienne, d’organismes internationaux régionaux dans le Pacifique.

Dès les deux lois de septembre 1984 réformant les statuts de la Polynésie Française12 et de la Nouvelle Calédonie13 l’État a souhaité impliquer les gouvernements territoriaux dans l’action extérieure. D’abord en leur reconnaissant un pouvoir de proposition pour « ouvrir des négociations » avec l’État du Pacifique dans « les domaines : économique ; scientifique ; technique et culturel ». Ainsi le président du gouvernement territorial « est associé et participe aux négociations », la France pouvant lui déléguer « les pouvoirs lui permettant de négocier les accords », soumis ensuite à ratification ou approbation dans les conditions prises par la Constitution.

Enfin les deux lois, à l’identique, prévoient que « le président du gouvernement peut être autorisé à représenter, conjointement avec le Haut-Commissaire14 de la République au sein d’organismes régionaux ». Ces organismes régionaux sont anciens et se sont considérablement développés avec les indépendances des États insulaires. La Communauté du Pacifique (ex Sud) créée initialement en 1947 par 6 pays : Australie, Nouvelle Zélande, Royaume Uni, Pays Bas, France et les États Unis et dont le Siège est à Nouméa et qui a été rejointe par tous les États nouvellement indépendants. En 1983, les 3 Territoires d’outre-mer français ont été admis à la CP(S) — y compris Wallis-et-Futuna. Existe par ailleurs le Forum des îles du Pacifique créé en 1971, dont la France est « partenaire du dialogue » depuis 1989 avec des enjeux politiques très forts et parfois fort compliqués pour notre pays dans le contexte géopolitique des années 1980. Notre pays en 1985 a par ailleurs créé un poste d’ambassadeur dédié au Pacifique Sud pour effectuer un travail diplomatique spécifique dans la zone et coordonner l’action des élus territoriaux avec celle de la République.

Une spécificité juridique pleinement assumée par la République pour les collectivités ultramarines depuis la fin du XXe siècle.

Les années 1999-2000 vont être marquées par une nette inflexion au profit des collectivités d’outre-mer pour leur donner plus de responsabilités en matière d’action extérieure et aller vers une véritable association à la diplomatie de la République. Pour les DOM, cela relève d’une prise de conscience des difficultés « internes » auxquelles conduit la non prise en compte réelle de leur singularité dans la République mais aussi dans leur environnement régional comme le rapport Lise/Tamaya l’avait bien révélé en 1999, ce rapport inspirant fortement la loi d’orientation de l’outre-mer du 13 décembre 200015. Pour la Nouvelle Calédonie, ce sont bien évidemment les accords de Nouméa et le nouveau statut — de mars 199916 — qui va conduire à pousser le plus loin possible la démarche au profit des autorités locales et façon assez parallèle pour la Polynésie, mais sans aller aussi loin, avec le « nouveau » statut d’autonomie résultant de la loi organique de 2004.

Les DOM / ROM

S’inspirant donc des propositions du rapport Lise/Tamaya la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000 consacra son titre V à « l’action internationale de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion dans leur environnement régional », la formulation démontre l’ambition du gouvernement de donner aux départements d’outre-mer une compétence large, au-delà même de la coopération régionale. Suivant un schéma inspiré des dispositions de 198417 concernant la Polynésie Française et la Nouvelle Calédonie la loi procède à « la triple reconnaissance d’un pouvoir d’initiative, de négociation et de signature assorti d’un pouvoir de représentation » pour reprendre la formule des professeurs D. Blanc et F.T. Rakotondrahaso18.

Ainsi les assemblées départementales et régionales (aujourd’hui « unique » pour les collectivités de Guyane et Martinique) peuvent adresser au gouvernement des propositions, en vue de conclure des accords internationaux concernant la coopération régionale avec les États de la Caraïbe, voisins de la Guyane ou de l’Océan Indien mais également avec des organismes régionaux, y compris dépendant des institutions spéciales de l’ONU. Ensuite les exécutifs locaux peuvent représenter la République au sein de ces organismes régionaux et les régions peuvent être membres associés ou « observateurs » de ceux-ci.

Enfin les exécutifs des deux assemblées locales peuvent recevoir une habilitation expresse pour négocier au nom de l’État et dans ses propres domaines de compétences et signer les accords. Le Conseil Constitutionnel19 précisa que « lorsqu’ils négocient ou signent des accords, les présidents des conseils généraux ou régionaux agissent comme représentants de l’État au titre de la République Française ». Par ailleurs, dans leur domaine de compétences, les assemblées des deux collectivités d’outre-mer peuvent demander aux autorités de la République d’autoriser leur exécutif à négocier, dans le respect des engagements de la République, des accords avec des États, des territoires ou des organismes régionaux. Puis ces accords suivent le processus normal d’approbation par l’assemblée locale et enfin de ratification par la République20. La loi prévoit également la création d’un fonds de coopération régionale géré par le ministère des outre-mer, la création de conférences régionales associant l’État : préfets et ambassadeurs et les élus locaux, en parallèle deux postes de « délégué à la coopération régionale », l’un pour les Antilles Guyane (2001) l’autre pour l’Océan Indien (2003) sont créés.

Ces dispositions furent renforcées et complétées par deux autres lois. Ainsi les lois du 27 juillet 201121 prévoient que « la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion puissent désigner des agents publics chargés de les représenter au sein des missions diplomatiques de la France ». Un pas supplémentaire va être franchi pour « les DOM » avec la loi du 5 décembre 201622 faisant suite à une proposition de loi de S. Letchimy, député de la Martinique. Les dispositions de cette loi seront précisées par une circulaire conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère des outre-mer du 3 mai 201723. Bien sûr, ces évolutions sont prises en compte par le Livre Blanc « Diplomatie et Territoires » du 2 novembre 2016. Il est ainsi prévu que les collectivités ultramarines peuvent négocier et signer des accords en leurs noms propres et bien sûr dans leurs domaines de compétences – qui ne sont pas des accords internationaux mais des conventions « sui generis » comme le précisera la circulaire de 2017 précitée, après un accord de principe de la République, avec des « autorités locales étrangères », pour les autres accords internationaux les procédures prévues en 2000 demeurent.

Les Territoires du Pacifique

Dans le cadre du « processus de Matignon » initié par Michel Rocard en 1988, le gouvernement de Lionel Jospin aboutira en 1998 avec les différents partis politiques calédoniens aux « accords de Nouméa » qui déboucheront sur un statut très spécifique pour la Nouvelle Calédonie24 — basé sur le titre XII (« Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle Calédonie ») de la Constitution.

Tout d’abord et ceci me paraît essentiel, il faut noter que dans l’article 21 relatif aux compétences de l’État « les relations extérieures » ne sont pas des compétences exclusives de celui-ci et que la compétence de l’État n’est prévue que « sous réserve » des compétences de la Nouvelle Calédonie. Ainsi les relations extérieures de la Nouvelle Calédonie sont définies aux articles 28 à 34 de cette même loi. Très clairement ce dispositif démontre le caractère « partagé » de la souveraineté en matière internationale entre la République Française et la Nouvelle Calédonie. Par ailleurs l’article 28 prévoit une association des collectivités locales à l’exercice des compétences de l’État notamment en termes de représentation et de négociation d’accords internationaux.

Par ailleurs, reprenant le système de 1984, la loi du 19 mars 1999 confirme que la Nouvelle Calédonie peut adhérer en tant que membre associé, à d’organisations internationales. Mais elle va beaucoup plus loin en prévoyant que — article 32 — « la Nouvelle Calédonie peut disposer d’une représentation auprès des États ou Territoires du Pacifique ».

On voit donc la volonté très claire de l’État de tout faire pour qu’existe une vraie diplomatie calédonienne. S’agissant de la Polynésie Française, le nouveau statut d’autonomie de 200425 va bien évidemment élargir le dispositif existant depuis 20 ans en s’inspirant du précédent calédonien mais en étant beaucoup plus encadré. Ainsi il faut souligner que l’article 14 de la loi organique indique bien que la politique étrangère reste une compétence de l’État ; différence fondamentale avec le statut calédonien. Notons que la loi organique de 2004 élargit les possibilités d’association de la Polynésie Française aux accords internationaux de la République Française. Il prévoit par ailleurs que la Polynésie Française peut signer des « arrangements administratifs » pour « favoriser le développement économique, social et culturel » de la Polynésie (article 16).

Les évolutions juridiques ont-elles été suivies d’effets réels ?

Une action et une présence internationale conjointe des collectivités ultramarines et de l’État de plus en plus assumées

Globalement les nouvelles dispositions juridiques existant depuis 20 ans ont été mises en œuvre. Surtout, il faut relever une réelle volonté de l’État d’aboutir à une véritable conjonction de l’action des outre-mer et de celle de la République dans leur zone géographique. Ainsi par exemple les collectivités ultramarines ont intégré les organismes régionaux internationaux ou, sont sur le chemin de le faire.

Dans le Pacifique

Bien sûr la situation de la Nouvelle Calédonie est la plus aboutie. Elle est « Membre plein de la Communauté du Pacifique », elle a rejoint le « Programme Régional Océanie de l’Environnement » (le PROE) ; elle est membre à part entière du Forum du Pacifique, elle participe au Forum du développement des Iles du Pacifique ; elle est membre associé de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) depuis juin 2017 et membre associé de l’UNESCO depuis octobre 201726. La Polynésie Française fait également partie de la Communauté du Pacifique (de plein droit), du PROE et, est membre à part entière du Forum du Pacifique, elle est (comme la Nouvelle Calédonie) également membre associé de la Commission Économique et Sociale de l’Asie Pacifique de l’ONU ; elle participe à plusieurs commissions sur la pêche et elle est membre fondateur du groupe régional des dirigeants polynésiens créé en 2011.

Surtout les deux grands Territoires français du Pacifique ont développé des relations bilatérales importantes depuis une vingtaine d’années en essayant de donner une dimension globale mêlant diplomatie, développement économique et insertion culturelle et éducative. Une fois encore la Nouvelle Calédonie est la plus active. Elle dispose depuis 2001 d’un service de coopération régionale et de relations extérieures et de délégués auprès des ambassadeurs de France en Australie, Nouvelle-Zélande, Papouasie, aux Fidji et au Vanuatu ; le Japon a fait part de son intérêt pour ce dispositif. Avec ce dernier elle a négocié en 2019, au nom de la France un accord de libre-échange.

La Nouvelle Calédonie a signé des déclarations communes avec l’Australie pour coopérer, en matière de sécurité civile, de protection des récifs coralliens (enjeu très fort) et d’éducation. La Polynésie Française, pour des raisons multiples a intensifié ses relations avec la Chine depuis 30 ans. Ainsi, depuis les années 2000 la Polynésie Française est « destination agréée » par la Chine en matière touristique et des accords de pêche existent. Mais les échanges se sont également intensifiés avec la Nouvelle Zélande (Polynésiens et Maoris sont culturellement très proches) et un câble sous-marin relie la Polynésie Française à Hawaï.

Les « DOM »

La Réunion (conseil régional) a développé ses relations non seulement avec les États insulaires membres de la COI, mais également avec des pays plus lointains : Chine, Australie. Il y eut même une tentative vers les Fidji ce qui a semblé aux services de l’État « excéder » l’Océan Indien. Au titre de la « loi Letchimy »27 le conseil départemental de Mayotte a adopté en juillet 2018 une stratégie de coopération décentralisée et d’action internationale avec deux grands objectifs : contribuer au développement économique mahorais et promouvoir l’île au plan international28

Dans la zone Antilles-Guyane/Atlantique, les 3 régions (ou collectivités uniques) d’outre-mer de la zone ont rejoint les organismes régionaux ou sont en cours de processus. Ainsi elles sont membres associés, avec la France, de l’AEC (Association des États de la Caraïbe), elles ont rejoint la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPALC), ont demandé à adhérer à la Communauté des Caraïbes (Caricom). La Guadeloupe et la Martinique sont membres de l’organisation des États de la Caraïbe Occidentale (OECO). Par ailleurs, Saint Barthélemy est membre associé de l’AEC, fait partie de la CEPALC, et a initié le processus pour rejoindre l’OECO. La Guadeloupe a commencé à utiliser la possibilité offerte depuis 2011 d’affecter des agents dans les postes diplomatiques français ex. Guadeloupe au Québec et à l’AEC et la Guyane au Suriname.

Concernant Saint-Pierre-et-Miquelon, le conseil départemental coopère avec les Provinces Canadiennes riveraines, y compris anglophones, notamment en matière éducative et universitaire. Par ailleurs, l’AFD qui est le « bras armé » de la politique du développement/coopération de notre pays mais qui est aussi pour des raisons historiques, compétente pour l’outre-mer français a adopté en 2019 une nouvelle stratégie dite « des 3 Océans » qui vise à rassembler son cadre d’intervention dans les 3 zones pour soutenir des projets de coopération partagée avec les pays voisins des outre-mer29.

L’insertion régionale des outre-mer a produit des résultats concrets encore limités en matière économique, sociale, environnementale ou d’échanges éducatifs ou culturels

Au-delà de ce satisfecit d’ensemble « juridico administratif », force est de constater qu’au plan de l’action concrète en matière économique, sociale, environnementale ou de gestion de crises, le développement de la coopération régionale des collectivités d’outre-mer a produit des résultats concrets encore assez faibles. Sur le plan économique tout d’abord la situation n’a pas fondamentalement varié depuis 30 ans. Les outre-mer, notamment « les DOM » restent très fortement marqués par une relation très « centrée » vers la Métropole (environ 60 % des échanges) et avec l’Europe (15 à 20 % des échanges). Bien sûr cette situation a des causes fortes sans lien avec la coopération régionale : appartenance au « marché unique européen » des « DOM » ; flux historiques ; écart de développement persistant entre les outre-mer français et beaucoup de leurs voisins ; objectif très louable et politiquement essentiel des lois de la République d’aboutir à une « égalité réelle » entre l’outre-mer et la métropole30 qui contribue « à singulariser » l’outre-mer français dans un bassin régional.

Par ailleurs la dimension européenne de telles démarches est évidente. D’abord il faut bien considérer que la situation de nos outre-mer est fort différente des autres territoires ultramarins européens. Les « DOM » (Mayotte comprise et Saint-Martin également) sont au titre des « Régions Ultra Périphériques » européennes inclus dans la quasi-totalité des mécanismes européens (sauf les Accords de Schengen) et peuvent donc bénéficier d’un accès aux fonds structurels, les autres collectivités d’outre-mer françaises – et celles dépendant des Pays Bas, sont des PTOM et ne peuvent bénéficier que du Fonds Européen pour le développement d’un montant bien moindre. Le cas de l’île de Saint-Martin illustre la difficulté de la situation.

Ainsi on relèvera que pour la période 2014/2020, les RUP ont bénéficié de 13,8 milliards d’Euros (dont 7 milliards pour les RUP Français) alors même que les PTOM bénéficient de 356 millions. On voit bien là, la très forte différence d’approche, vue de l’Union Européenne, des transferts entre les deux catégories. Au titre de programmes de soutien à la « coopération régionale » (Interreg) qui vont recouvrir tant la coopération entre RUP que celle avec des pays (exceptionnellement régions) « frontalier(e)s des RUP »b les sommes dégagées par l’Union Européenne s’élèvent à 168 millions. Globalement (donc bien au-delà des PTOM français), la FED avait prévu des interventions au titre des coopérations régionales de l’ordre de 100 millions d’Euros31.

Une meilleure association des élus locaux à la définition des priorités européennes d’une part et une recherche plus active d’autre part de complémentarité entre programmes européens, dont les priorités seraient vraiment définies, et priorités naturelles permettrait, notamment pour les « RUP français » de mieux faire jouer aux crédits européens un véritable effet de levier pour la coopération régionale32. Si on s’arrête sur quelques politiques publiques essentielles au regard des enjeux qu’elles portent en matière de coopération régionale et d’action extérieure des outre-mer français, les résultats sont également assez nuancés quant aux progrès réels effectués ces dernières années.

Par exemple la politique sanitaire — au-delà même de la crise actuelle bien particulière — devrait représenter un point d’appui fort pour les outre-mer françaises pour coopérer avec leurs voisins qui bien souvent sont peu ou mal dotés en infrastructures : pensons aux petits États insulaires du Pacifique, au Suriname et aux îles Caribéennes voisins des Antilles françaises. Force est bien de constater comme le relevait le rapport parlementaire de Mesdames Chapelier et Poletti en 2020 que le bilan est « très modeste »33 alors même que pour la Guyane et Mayotte la pression exercée sur les hôpitaux locaux – ceux de Mamoudzou et de Saint Laurent du Maroni – du fait de l’immigration clandestine et de la proximité, est majeure.

Il s’agit dans notre pays d’une compétence de l’État. On aurait pu penser que l’addition des volontés des élus locaux, très sensibles au sujet, et de l’État aurait permis de développer des coopérations nouvelles et innovantes avec les pays voisins pour trouver des solutions originales comme cela est par exemple le cas avec l’hôpital de Cerdagne. En matière éducative et universitaire, le bilan est également assez modeste. Si par exemple une convention de coopération assez précise existe entre le Vanuatu et la Nouvelle Calédonie, pour soutenir l’université du Vanuatu et accueillir à Nouméa des étudiants, c’est un exemple assez isolé. Les projets d’universités « sans les murs » dans l’Océan Indien et le Pacifique n’ont guère produit de résultats probants et l’annonce faite par le ministère des outre-mer de créer un « Erasmus » aux Antilles est restée sans suite34. Dernier exemple de champs peu développé de coopération régionale sur des sujets pourtant largement communs aux outre-mer français et aux pays environnants : les questions environnementales notamment climatiques et afférentes à la biodiversité.

En matière environnementale, l’enjeu des outre-mer est essentiel pour notre pays. Ce sont les outre-mer qui sont les plus rapidement impactés par le réchauffement climatique : phénomènes extrêmes de pluie ; montée des eaux et la biodiversité des outre-mer représente au moins 70 % de la biodiversité totale française. Surtout nos outre-mer permettent à notre pays d’avoir une appréciation vraiment mondiale de ces questions environnementales et des dérèglements qui affectent l’ensemble des écosystèmes terrestres dans les 3 océans du Monde. Ainsi la préservation de la Forêt Amazonienne est liée à l’état de la nature sur le Plateau de Guyane et réciproquement. Le dépérissement des mangroves dans le Monde est connu par l’observation de ce qui se passe aux Antilles ou en Nouvelle Calédonie, etc.

Il conviendrait que tous les sujets liés au climat et à la biodiversité fassent l’objet à la fois d’un engagement plus coordonné entre l’État et les collectivités d’outre-mer et surtout d’actions résolues pour y faire face. L’AFD a mis ces sujets environnementaux au cœur de ses priorités pluriannuelles pour l’outre-mer et la coopération régionale avec des moyens importants (ex 30 % de ses crédits au profit de la biodiversité), il faut espérer que ceci débouchera sur une étape forte d’action conjointe/coordonnée État et collectivités d’outre-mer avec les États environnants et les organismes internationaux régionaux ou spécialisés.

Pour conclure, on relèvera que si indiscutablement au niveau des textes et des « pratiques administratives » la nécessité de la coopération régionale des collectivités des outre-mer français avec leur environnement régional a été effectivement prise en compte pour le bénéfice commun des outre-mer et de notre pays, les résultats effectifs restent encore assez mesurés, sauf pour la Nouvelle Calédonie [dossier en soi dont on verra dans les semaines à venir au plan français suite au référendum du 12 décembre prochain ce qui pourra être fait et d’autre part au cœur de cette nouvelle zone de différent géopolitique que devient le Pacifique le rôle que la France et l’Union Européenne veulent et peuvent jouer en « (s) appuyant » sur les outre-mer français]. Or sur des sujets aussi essentiels que la santé, la préservation de l’environnement ou les politiques éducatives et culturelles, il y a beaucoup à faire grâce à un engagement coordonné et vraiment « additionnel » entre l’action de l’État et des collectivités ultramarines.

M. A

 

Phrases loupes

 L’environnement économique et social régional de nos outre-mer représente un facteur de singularité évidente pour nos collectivités ultramarines.

Aujourd’hui, l’État a admis que les attentes des élus d’outre-mer pour être des acteurs de la co-construction des relations extérieures de notre pays étaient légitimes et que les outre-mer représentaient au plan géopolitique un formidable atout pour notre pays.

Il faut relever l’apparition de l’expression « coopération régionale » qui va s’imposer pour l’outre-mer en lieu et place des deux expressions couramment utilisées : coopération décentralisée ou action extérieure des collectivités.

Les années 1999-2000 vont être marquées par une nette inflexion au profit des collectivités d’outre-mer pour leur donner plus de responsabilités en matière d’action extérieure et aller vers une véritable association à la diplomatie de la République.

Les collectivités ultramarines ont intégré les organismes régionaux internationaux ou, sont sur le chemin de le faire.

Les projets d’universités « sans les murs » dans l’Océan Indien et le Pacifique n’ont guère produit de résultats probants et l’annonce faite par le ministère des outre-mer de créer un « Erasmus » aux Antilles est restée sans suite.

Sur des sujets aussi essentiels que la santé, la préservation de l’environnement ou les politiques éducatives et culturelles, il y a beaucoup à faire grâce à un engagement coordonné et vraiment « additionnel » entre l’action de l’État et des collectivités ultramarines.

 

Notes de bas de page

  • 1 Citation extraite du Rapport n°3581 S Letchiny au nom de la Commission des Lois sur la proposition de loi « relative à l’action extérieure et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional » p 34 – 16 mars 2016.

  • 2 Article 9 de la loi n°82-1171 du 31 décembre 1982 portant organisation des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion – JORF du 1-1-1983.

  • 3 Circulaire n° 1789 SG 26 mai 1983.

  • 4 Circulaire n°2063 du 10 mai 1985 – publiée le 3 juillet 1985.

  • 5 Circulaire du 12 mai 1987 relative aux relations internationales de la France et à l’action extérieure des régions et départements d’outre-mer – JORF du 16 mai 1987.

  • 6 Décret n°90-655 du 18 juillet 1990 relatif à la coopération régionale Caraïbes-Guyanes – JORF du 19 juillet 1990.

  • 7 Rapport Lise-Tamaya précité p 54.

  • 8 Rapport Lise-Tamaya p 48 – 54.

  • 9 Rapport Lise-Tamaya p 52.

  • 10 Rapport Lise-Tamaya p 53.

  • 11 Rapport Lise-Tamaya p 116- 121.

  • 12 Loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du Territoire de la Polynésie Française – JORF du 7 septembre 1981 – voir notamment article 38.

  • 13 Loi n° 84-821du 6 septembre portant statut du Territoire de la Nouvelle Calédonie et dépendances – voir notamment article 41.

  • 14 L’équivalent du préfet dans ces deux TOM.

  • 15 Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer – JORF 14 décembre 2000.

  • 16 Loi n° 1999-209 organique du 19 mars relative à la Nouvelle Calédonie.

  • 17 Cf. ci-dessus.

  • 18 « L’action extérieure des collectivités d’outre-mer : vers une diplomatie ultramarine » - H. Pongérard-Payet (dir) – L’Union européenne et la coopération régionale des outre-mer – L’Harmattan 2018 – pp 211-225

  • 19 Précité.

  • 20 D Blanc et FT Rakotondrahaso précité.

  • 21 Loi organique n° 2011-883 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités régie par l’article 73 de la Constitution et loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et Martinique – JO du 28 juillet 2011.

  • 22 Loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 – JORF du 6-12-2016.

  • 23 Circulaire du 3 mai 2017 relative aux « compétences exercées par les collectivités territoriales d’outre-mer, en matière internationale, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016.

  • 24 Loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle Calédonie – JORF du 20 mars 1999.

  • 25 Loi organique n° 2004-192du 27 février 2004 portant statut d’autonomie d la Polynésie Française – JORF du 28 février 2004

  • 26 Rapport sur le projet de lo de finances pour 2020 outre-mer au nom de la Commission des Lois : Thani Mohamed Soilihi – 21-11-2019

  • 27 Loi 2016-1657 du 5 décembre 2016 précitée.

  • 28 Rapport de Thani Mohamed Soilihi précité.

  • 29 Voir site AFD.

  • 30 Loi n°2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle des outre-mer et portant autres dispositions en matière économique et sociale.

  • 31 Rapport de l’Assemblée Nationale n°35-28 précité.

  • 32 Rapport de l’Assemblée Nationale – Thani Mohamed Soilihi projet de loi de finances 2020 précité.

  • 33 Rapport de l’Assemblée Nationale n°35-28 précité.

  • 34 Rapport de l’Assemblée Nationale n° 3528 précité.