Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

De l'alliance à la concorde

Les injonctions à davantage de proximité, de transversalité, l’épuisement de la logique traditionnelle de sectorisation, les appels à la différenciation et à l’expérimentation nourrissent le récit des alliances territoriales. Il s’agit de travailler ensemble, de sortir de son sillon, de faire un écart pour s’articuler à d’autres acteurs1. Le temps des alliances s’accélère sous la pression des crises (elles si nombreuses qu’il est inutile de les citer), de l’urgence climatique, de la lutte contre les fractures territoriales et des contraintes financières2. L’alliance territoriale, en tant qu’union des forces semble apporter des leviers d’action à condition qu’elle résulte d’une « bonne entente » entre les alliés, c’est-à-dire les collectivités territoriales3.

Le récit des alliances territoriales atteste d’un changement de perspective, c’est admettre que ce ne sont pas les institutions — prises isolément — qui ont tant démérité mais l’évolution profonde de la société qui alimente de nouvelles attentes et exigences.

En s’alliant, les provinces nous projettent dans un nouvel imaginaire qui trace une voie possible d’avenir et un chemin vers la concorde nationale. La fin des grandes réformes systémiques favoriserait le retour d’un agir « à ras de vie »4. Une « transformation silencieuse » n’est-elle pas en train de s’opérer depuis « le local » comme si l’imaginaire instituant (celui des acteurs sociaux pour lesquels le quotidien est stratégique) pouvait produire des effets sur l’imaginaire institué (les institutions et leurs normes) ? À première vue, l’imaginaire institué résiste. Les dispositifs juridiques et les habitus y pourvoient. C’est sans doute dans ce qui fait concorde (entre elles et avec la population) que les collectivités territoriales instituent d’autres formes de production de concorde nationale.

La vision que l’individu a des rapports sociaux à travers la devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité rend insupportables des situations et des discours dont il s’accommodait par le passé. L’actualité sociale le démontre. Dès lors, le défi des pouvoirs locaux (et des lieux de responsabilités) est de faire un pas de côté, de sortir de l’anonymat institutionnel pour « prendre la parole » et contribuer au système France.

LAURENCE LEMOUZY

Nota : Il convient de souligner la vitalité des contributions réunies dans ce numéro qui fait écho aux réflexions conduites début 2023 5 par des universitaires venus du Québec et de plusieurs villes de France : Angers, Amiens, Arras, Dijon, Lille, Limoges, Nice, Pau et les pays de l’Adour, Toulouse et Tours.

Notes de bas de page

  • 1 Voir en particulier article de Corinne Manson, p. 24

  • 2 Voir en particulier article de Patricia Demaye-Simoni, p. 30

  • 3 Voir en particulier article de Céline Chatelin, p. 40

  • 4 Pour le dire avec les mots du philosophe François Jullien

  • 5 À l’occasion d’un colloque organisé dans l’enceinte de la communauté d’agglomération Tarbes-Lourdes-Pyrénées par Marie-Christine Steckel-Assouère, Maître de conférences HDR en droit public à l’Université de Limoges (OMIJ), responsable de la Commission Aménagement du territoire et mobilité du GRALE rattaché à l’Université Paris I et David Carassus, professeur en sciences de gestion, directeur de la Chaire OPTIMA et de l’école universitaire de management de l’IAE et Université de Pau et des Pays de l’Adour.