Comment penser un droit « souple » au plus près des territoires ?
En s’articulant dans la langue de l’Être et de pair avec la philosophie, le droit a promu une exigence de détermination et de clarté qui paraissent constitutives de sa vocation. Or, n’est-on pas conduit aujourd’hui à penser un droit « souple » pour pouvoir être au plus près de la diversité des territoires et mieux répondre aux attentes de la décentralisation ? En proposant un détour par la langue et la pensée chinoises, qui ne se sont pas articulées dans la langue de l’Être, François Jullien essaie de proposer une pensée positive du souple qui n’en fasse pas qu’un défaut d’« être » et puisse contribuer à un renouvellement de la pensée du droit qui devient peut-être opportun aujourd’hui.
Si je demande « Dans quelle langue pense le droit ? » 1, il ne s’agira pas seulement de reconnaître, une fois de plus, que le droit pense dans une langue particulière qui serait la langue de sa discipline, voire de sa technicité, son idiome, la langue qu’il a fabriquée, ou plus précisément « codifiée », cette langue qui serait proprement juridique et réservée à des initiés. Il s’agit de considérer plutôt comment le droit, en pensant dans la langue qui nous paraît à la fois la plus générale et la plus commune, la langue qui est la nôtre ici, pense en fait dans une langue particulière, mais qui, pour lui, va de soi, dans laquelle il ne sait peut-être pas qu’il pense, mais qui, comme telle, sans doute l’a porté, dans laquelle en tout cas il s’est articulé. Cette langue, la plus générale, mais qui est peut-être en fait si particulière, dans laquelle le droit pense, mais peut-être ne sait pas qu’il pense, on peut la nommer d’un mot : c’est la langue de l’« Être », celle qui oppose l’« être » au « non-être », qui fait surgir l’« être » du néant.
Je ne m’interrogerai donc pas ici sur la langue qu’a créée le droit, la langue explicite des lois, des arrêts et des codes, mais sur la langue dans laquelle s’est créé le droit et qui l’a implicitement fécondé ou « porté » et qui même peut-être en a été la condition de possibilité. De fait, cette langue de l’Être dans laquelle a pensé le droit, mais que lui-même peut-être n’a pas pensée, ne pensant pas que c’est en elle qu’il pensait, il nous reviendra ici de commencer de la penser. À la fois de la réfléchir et peut-être aussi de l’ouvrir. D’abord de la réfléchir en regard d’autres langues qui n’ont pas pensé l’Être ; donc aussi par là même en regard d’autres cultures qui, n’ayant pas pensé l’Être, n’ont pas été portées non plus à penser le droit, en tout cas tel que nous l’avons pensé – et cela pour faire entrer le droit dans ce qu’on appelle communément le « dialogue des cultures », terme sans doute encore beaucoup trop mou, beaucoup trop flou, et auquel il faudrait enfin donner sa consistance. Mais aussi par là même, par ce biais, en passant par une autre langue qui n’a pas pensé l’Être, cette langue de l’Être dans laquelle a pensé le droit conviendrait-il aujourd’hui de l’ouvrir – pour répondre à ce qui serait peut-être une demande de la société contemporaine – et de l’assouplir. Mais qu’est-ce que peut être « assouplir » une langue, surtout si c’est celle du droit ?
C’est en tout cas en ce sens que je voudrais commencer d’avancer sous ce titre : « Dans quelle langue pense le droit ? » pour tenter de penser non seulement d’où vient le droit dans son rapport à sa langue, c’est-à-dire en fait dans sa condition même, mais aussi peut-être pourquoi et comment serait conduit aujourd’hui à évoluer le droit, sans peut-être se rendre suffisamment compte de ce qui serait l’enjeu de l’évolution à laquelle il est appelé. Comme vous le constatez, il y a ici beaucoup de « peut-être » … Ils laissent entendre combien je sais que le propos que j’avance ici est osé et qu’il ne s’agira donc, de ma part, que d’une esquisse de réflexion.
Il est clair du moins que, avançant ici entre droit et philosophie, je ne vais pas entrer, en tant que philosophe, dans ce qu’on appelle d’ordinaire la « philosophie du droit », c’est-à-dire dans ce grand champ constitué de la pensée où la philosophie entreprend de penser ce qu’est le droit dans son essence. Toute philosophie moderne a d’une certaine façon sa philosophie du droit. Or, de ce champ immense, je n’ai pas la compétence et surtout je voudrais orienter différemment l’interrogation, c’est-à-dire la reporter plus en amont : sur la langue — la langue de l’Être — dans laquelle se sont articulés à la fois le droit et la philosophie, qui les a portés conjointement et qui constituerait leur parenté originaire. Il ne s’agira donc plus ici de penser la nature et la fonction du droit, comme le fait traditionnellement la philosophie du droit, mais d’interroger plus en deçà la langue dans laquelle se sont pensés également le droit et la philosophie pour tenter de sonder leur destin commun.
Car cette question de la langue dans laquelle pense la pensée est une question récente dans la philosophie même. Descartes ne pensait pas qu’il pense en langue : alors qu’il pense en latin-français, il pense qu’il pense dans la langue, dans la langue prise dans son universalité. C’est seulement avec Nietzsche et dans la philosophie du XXe siècle que la philosophie a commencé de soupçonner qu’elle pensait elle-même dans une langue particulière qui était la langue de l’Être, la langue de l’« ontologie » (chez Heidegger, chez Levinas, chez Derrida). Remarquons d’ailleurs que cette langue de l’Être dans laquelle s’est pensée la philosophie, — et aussi je crois le droit —, on a commencé alors de l’interroger en regard de cette autre langue qu’est la langue hébraïque, à partir donc de l’autre grande ressource de la pensée européenne, donc encore en cadre européen. C’est, pour ma part, en passant par une langue qui non seulement est passée « à côté » de l’Être, mais se situe aussi en dehors du cadre européen, et même indo-européen, le chinois, que je voudrais poser au droit la question de sa langue ; et, à partir de là, m’interroger, si le droit n’a pas pensé la langue dans laquelle il pense, sur ce que serait son impensé.
Le droit comme la philosophie s’est articulé dans la langue de l’Être
Que le droit et la philosophie aient été au départ, en Grèce, associés et même appariés, on le constate déjà du point de vue de la formation – « pré-formation » – du droit (« pré-droit », comme l’a nommé Louis Gernet) ainsi que de la philosophie, à la fin de l’époque archaïque, dans l’émergence de la Cité. Je n’indiquerai hâtivement que quelques aspects de parenté entre eux en soulignant seulement que c’est plutôt le droit qui, dans sa pratique, a in-formé la philosophie et non pas l’inverse, comme voudrait le penser la philosophie.
On voit apparaître en effet, dans la formation du droit en Grèce, pour le dire à grands traits, des choix déterminants qui vont émigrer dans la pratique philosophique. C’est d’abord dans le face-à-face, par opposition frontale, qui doit se trancher le débat. Appel est fait aussi de part et d’autre à la preuve, tekmerion, et chacun compte sur le pouvoir de réfutation, l’elegchos. Se forme ainsi le discours par argumentation, logos, se confiant au jeu du « pour » et du « contre » et procédant « discours contre discours » – antilogoi : « thèse » et « antithèse » en philosophie. S’il est une conception qui a prévalu en Grèce, attribuée à Protagoras, et autour de laquelle s’est organisée la Cité, c’est bien celle-ci : tandis qu’un discours peut mettre en valeur une idée, il faut deux discours opposés pour en mettre à l’épreuve la vérité ; et, quand je suis seul à penser, je cherche moi-même à me réfuter. Le droit comme la philosophie sont nés ensemble de ce maniement fécond de la contradiction au sein du débat, l’agôn.
Mais il faudra remonter de là à la langue qui a ainsi plié les deux dans cette commune logique de l’antagonisme et de l’exclusion, le droit comme la philosophie, et a permis ainsi leur structuration conjointe : la langue de l’« être », celle qui oppose l’« être » au « non-être ». C’est pourquoi je m’arrêterai un instant sur le penseur qui, au seuil de la Grèce classique, est le premier qui, pensant l’Être, a donc pensé du même coup la condition de possibilité et du droit et de la philosophie, je veux citer Parménide. Parménide nous intéresse à cet égard de deux points de vue.
D’abord, parce qu’il a pensé le lien originaire qui relie justice et philosophie, le droit et la vérité. Dans son Poème, il est dit que « ce ne fut pas un destin funeste » qui engagea le jeune initié dans la voie qu’il emprunte, « en dehors du sentier battu », mais « le droit et la justice », thémis disant alors la loi fondamentale que diké prolonge. Or, cette voie dans laquelle le néophyte s’engage ainsi est explicitement celle de la vérité : « du cœur sans variation de la vérité droitement persuasive ».
La cause est donc commune entre le droit et la vérité, leur pacte est scellé. Or, ce penseur qui est le premier en Grèce (au monde) à penser l’« être » de l’Être, l’« être » opposé au « non-être », ne cesse de montrer comment ces deux voies sont exclusives l’une de l’autre : celle de l’« être » qui est celle de la justice et de la vérité et, d’autre part, celle du « non-être » condamnée au régime inconsistant de l’opinion, doxa. En outre, cette opposition se double d’une autre que fait émerger ce penseur et qui va être porteuse de l’idéalité sur laquelle reposeront également le droit et la philosophie : d’un côté, liés au régime de l’opinion, se trouvent le caractère et le comportement « empiriques », l’ethos polupeiron « plein d’échos bruissants » et où l’on « meut un œil sans visée » — de cette voie, qui ne fonde rien, on ne pourra désormais rien attendre. Mais de l’autre côté est la voie qui « juge » et qui « tranche » (krinai) en recourant au discours-raison, logos, la « réfutation polémique » : c’est par elle que se déploie la vérité s’ancrant dans l’Être en même temps que le bonheur dans la Cité.
De ce bref aperçu, on commence d’entrevoir qu’il y a bien un « choix » de l’Être, choix demeurant largement implicite chez ceux-là mêmes qui le font, mais dont on constate néanmoins, chez Parménide, que c’est un choix constitué, élaboré, et qui n’est pas neutre. Il faudra donc se demander plus avant ce qu’a engagé ce choix de l’Être au sein duquel se noue le destin conjoint tant du droit que de la philosophie, autrement dit quelles sont les fonctions propres au verbe « être » dans la langue comme aussi dans la civilisation. Pour reprendre les deux points de vue précédents, je dirai d’abord que la fonction de l’« être » est de déterminer et d’assigner. « Être », c’est « être déterminé », comme le dit déjà Parménide, ou c’est la détermination qui fait « être », comme le dira Hegel au début de sa Logique.
De plus, en déterminant, l’Être « assigne » aux deux sens du terme : il fixe et il attribue. Or, le droit ne fait-il pas fondamentalement les deux : déterminer et assigner ? Mais l’Être fait également autre chose qui va logiquement de pair : il sépare deux niveaux d’expérience et de réalité : d’une part, la voie mêlée de non-être qui est la voie du devenir et de l’opinion, celle condamnée à l’empirique ; de l’autre, celle qui s’en écarte : la voie de l’Être, de ce qui est constant et identique à soi, détaché de l’empirique et du circonstanciel, et qui seul fonde la nécessité et la vérité. S’érige ainsi à partir du verbe « être » un plan de l’idéal, de l’abstrait, du modèle qui est la « forme » même de l’Être, eidos, de l’« être » en tant qu’être — celle que, dans la suite de Parménide, développera Platon. Or, je crois que le droit suppose aussi cette séparation-abstraction, se détachant du circonstanciel et s’érigeant en idéalité.
Sortir de la langue de l’Être (l’écart chinois) : en dehors de l’Être, peut-on penser le droit ?
Or, si l’on passe par la Chine, inscrite en vis-à-vis de notre pensée, pour interroger les partis pris implicites de notre pensée, on trouvera à la fois l’illustration et la confirmation — du dehors et par la négative — de cette conjonction de la pensée de l’Être et de la pensée du droit. Le « cas chinois », comme on disait du temps des Lumières, fait apparaître combien l’invention et l’instauration du droit relèvent en effet de conditions culturelles particulières et n’ont pas l’universalité et la nécessité dont on voudrait les créditer du dedans de notre culture, en Europe. Du moins, si l’on pense ce rapport des cultures, non pas en termes de « comparaison », c’est-à-dire de ressemblance et de différence, ce qui n’est toujours qu’aspectuel pour ne pas dire superficiel, mais en tant que vis-à-vis réflexif où chaque culture peut se dévisager dans le miroir de l’autre et y sonder son impensé. Sous l’éclairage de cet écart chinois, de ce que la langue chinoise n’a pas pensé l’« Être » (au sens d’existence) et que la civilisation chinoise n’a pas conçu le droit, ne vérifierait-on pas en retour combien les deux sont liés ?
Mais constatons d’abord qu’il n’y a pas de « pré-droit » qui se soit constitué dans la Chine archaïque. En repassant par les points précédents, je remarquerai que, au face-à-face et à la frontalité opposant les arguments contraires en vue de trancher, la Chine a pu préférer les ressources du détour et de l’obliquité (ce que nous appelons nous-mêmes « chinoiser ») : l’attaque latérale ou « de biais » (qi opposé à zheng) permet plus de jeu et de cheminement dans la décision et se fait à couvert. D’autre part, la culture chinoise ne s’est guère intéressée à déployer l’art de la démonstration et de la réfutation : les outils de la preuve et de l’argumentation n’y sont guère affûtés. Qu’on songe en outre que la figure de l’orateur, elle qui a eu une importance matricielle en Grèce comme à Rome (et donc aussi l’art du plaidoyer et la rhétorique), n’a pas vu le jour en Chine ; ou que la « persuasion » n’a pas été pensée comme telle en Chine et qu’il a fallu traduire « persuader » de l’occidental en chinois (shuo-fu). Or, peut-on concevoir l’exercice de la Justice sans discours opposés l’un à l’autre, prononcés en public et rivalisant pour obtenir l’assentiment ? 2 Qu’il y ait là, d’autre part, la cohérence d’un « choix » culturel apparaît en clair : que la Chine n’ait pas pensé en termes d’« être » et d’essence se comprend du fait qu’elle a pensé en termes de « flux » (qi) et d’influence, d’interaction et de corrélation, d’où découle le cours en constante évolution des choses — telle est la « voie », tao. En regard, le droit ne suppose-t-il pas une fixité, non seulement des « arrêts » rendus, mais d’abord des essences idéales qu’il a érigées ?
On ne manquera pas néanmoins de me rétorquer : « — Mais il y a bien des « codes » et des « lois », en Chine ; il y a bien des « tribunaux » et même des « Légistes ». Effectivement, la traduction se sert ordinairement de ces « équivalents », c’est-à-dire que nous traduisons alors par ce que nous attendons (et que nous rangeons dans nos cadres et cases déjà préparés). Est-ce que pour autant toute fonction distribuant punition ou gratification serait celle d’un « Juge » ? Est-ce que tout édit contribuant à la régulation sociale serait la « Loi » ? En fait, s’il s’agit de « codes », ce sont des codes de récompenses et de châtiments : la « carotte » et le « bâton » au moyen desquels le Prince dirige la machine du pouvoir sans plus avoir à se dépenser. Ce ne sont pas là des « lois », mais des normes de rétribution et de sanction (fa). Il ne s’agit pas là non plus de « légistes », même si cette traduction est instituée en sinologie, mais des théoriciens de l’autoritarisme et même du totalitarisme, dans la Chine ancienne, sur lesquels s’est fondé l’Empire. Ils ont mis au point tout un système minutieux de surveillance et de contrainte, réticulaire et rigoureusement codifié, auquel il suffit de soumettre le peuple pour que sa soumission soit absolue à l’égard du Prince ; et même qu’elle soit acceptée et vécue comme l’ordre naturel des choses — à l’instar de la mort — en découlant par immanence. Non seulement toute pensée du droit en est exclue, et d’abord du « droit d’avoir des droits », mais le principe même de la Loi, fondant un ordre propre, n’est pas conçu.
Ce qu’a pensé, quant à elle, la tradition lettrée en Chine et qui seul a été honoré, est tout autre chose que nous traduisons si mal par le terme de « rite », n’en ayant pas l’équivalent. Montesquieu l’a perçu avec le plus d’intelligence : « Les législateurs de la Chine firent plus ; ils confondirent la religion, les lois, les mœurs et les manières : tout cela fut la morale, tout cela fut la vertu. Les préceptes qui regardaient ces quatre points furent ce que l’on appela les rites. » Or, quand Montesquieu dit que les Chinois ont tout « confondu », sans concevoir de plans distincts, cette pensée aussi bien se retourne : peut-être est-ce nous qui avons trop distingué — entre la religion-les lois-les mœurs-les manières — perdant la cohérence unitaire qui ferait l’harmonie du monde. Ces « rites » sont les normes comportementales qui concernent effectivement tous les aspects de la conduite et servent d’autant plus efficacement la régulation sociale qu’ils sont passivement assimilés. On est au plus loin de la pensée grecque de la Loi — qu’on songe à la prosopopée des lois dans le Criton de Platon ou aux préambules explicatifs des lois que développe Platon dans les Lois : ceux-ci visent à persuader en raison du bien-fondé de chaque loi pour qu’on y obéisse de plein gré.
À preuve le fait qu’il a fallu traduire « droit » en chinois, à l’époque moderne, à partir de la langue occidentale. On l’a traduit par (quan). Or, que signifie ce mot avant influence de l’Occident, à la fin du XIXe siècle, quand il a fallu traduire la pensée juridique européenne ? Ce terme signifie le poids qui fait pencher la balance, par suite le pouvoir ou l’autorité, aussi bien la puissance que les circonstances : en somme, tout selon quoi s’incline le cours des choses. Mais non, le Droit qui fait émerger un principe transcendant le cours des choses et au nom duquel on peut juger ce cours des choses. Le terme chinois (quan) reste borné à l’horizon de l’effectif et de ce qui le régit, sans détacher un autre plan séparé de lui ni songer à le dépasser. N’intervient pas le plan de l’Être, abstrait du sensible et du devenir, sur lequel, depuis les Grecs, nous avons bâti l’idéalité (la forme modèle, eidos) sur laquelle le Droit lui-même est juché, avec laquelle il a partie liée. Or, en même temps, il ne s’agira pas là de clore les langues et les cultures en des bulles : par accommodation progressive, par patient travail de dé- et re-catégorisation, des penseurs chinois, depuis plus d’un siècle, ont effectivement introduit la pensée européenne du droit en Chine. Et quand les jeunes Chinois réclament aujourd’hui les « droits de l’homme », ren-quan, sur la place Tian an’men, ils savent comme les Européens ce qu’ils disent et pourquoi ils se sacrifient.
Faudrait-il penser, à l’écart de l’Être, un autre droit : droit « souple » ou droit évasif ?
Mais comment nommer cette autre modalité qui n’est pas de l’« être », qui n’est pas celle de la clarté et de la détermination, qui n’abstrait pas en tranchant entre l’« être » et le « non-être » et ne peut donc servir de fondement à quelque idéalité ? Songeons que le Laozi, texte de base le plus traduit de l’Extrême-Asie en Europe, revendique lui-même, à l’encontre de la clarté par détermination-assignation à laquelle nous tenons tant en Europe et qui est fondée dans l’Être, de penser de façon « confuse », de façon « obscure », puisque le Tao lui-même est dit « flou », « vague », « indistinct », « évanescent », hu-huang. Le propre du tao, pour le dire d’un mot, est qu’il est « évasif ». Je nommerai donc cette autre possibilité, pour la porter au concept face au règne de l’Être, la possibilité de l’évasif. Il y aura donc à penser (ce qu’est) l’« évasivité », à l’écart de l’Être, y compris dans ce qui pourrait s’annoncer comme un avenir du droit.
Il est vrai que « évasif » a chez nous, en Europe, un sens négatif : une réponse évasive est une mauvaise réponse parce qu’elle est fuyante. Or, justement il faudrait apprendre à retourner ce négatif en positif. Il faudrait, autrement dit, sonder la ressource de l’évasif. Car l’évasif fait entendre que, tout n’étant pas déterminé et assigné, il est laissé du jeu dans l’évolution des choses : qu’il reste par-là du champ pour la manœuvre et le cheminement. La réponse évasive donne à supputer ; de ce dont on n’est pas clairement assuré, on demeure indéfiniment hanté. Il faudra donc envisager une vocation à ce terme, au lieu d’y voir un manque : ce qui « s’évade » et qui « s’évase », donc ne se laisse pas délimiter et fixer, possède par là même un potentiel immense. L’évasif échappe au choix de l’Être. Cette formule de la poétique chinoise (puisqu’il n’y a pas à proprement parler de rhétorique en Chine) le dit magnifiquement : « Ne pas fixer (attacher) un seul mot / Atteindre jusqu’au bout vents et flots » (bu zhu yi zi, jin de feng liu). Car pensons que ce non-déterminé non-assigné, ce flou-vague-indistinct, autrement dit cet évasif qui ne se laisse pas cerner, mais reste en expansion volatile, n’est peut-être pas qu’un reste échappant encore à la prise de la connaissance (à sa constitution en termes d’« être ») ; mais qu’il est une modalité inévacuable et peut être même originaire de l’expérience. Il faudrait alors apprendre à penser les phénomènes eux-mêmes dans leur évasivité : dans leur gestation et dans leur prégnance, dans leur résonance et dans leur ambiance, celles-ci ne se laissant pas saisir en termes d’« être » ni non plus élaborer en modèles et en idéalités. Même les physiciens aujourd’hui, dont la science est pourtant la plus soucieuse de détermination, sont confrontés à l’évasif. Jusque dans le big-bang ou plus au fond de (que) la matière… Qu’en sera-t-il des juristes ?
Car si je me risque à poser ici la question de la langue dans laquelle pense le droit et, plus précisément maintenant, à confronter le droit à ce que, passant par la langue-pensée chinoise, j’ai nommé l’évasif, comme modalité non-ontologique de la langue et de la pensée, donc à l’encontre de la logique de détermination et de modélisation de l’Être, c’est notamment parce que j’ai été alerté par des amis juristes, d’une notion aussi étrange et même apparemment paradoxale, pour ne pas dire monstrueuse, que celle d’un droit « souple », elle que tendrait à forger aujourd’hui le droit, et ce sans doute pour répondre à une demande de la société contemporaine. « Souple », dit-on alors, signifierait spontané, flou, soft, à l’état « gazeux ». Il est clair pour le moins que ce terme « souple » alors est souple…Souple, autrement dit, est ce qui n’est plus susceptible d’être déterminé, ni modélisé, donc qui échappe à la langue de l’« être ». Mais quel rapport possible découvrons-nous alors entre le droit et l’évasif qui paraît son contraire et que « souple » paraît nommer ? Au moins deux questions se posent. D’abord, est-ce qu’il n’y a pas aussi, au sein même du droit, une évasivité des phénomènes à laquelle on n’aurait peut-être pas suffisamment prêté attention et qui le mettrait aujourd’hui en péril dans sa langue ? Par suite et formant alternative : est-ce que le droit rencontre dans l’évasif sa limite et doit le rejeter comme incompatible avec son exigence ? Ou bien est-ce qu’il ne pourrait pas s’ouvrir à l’évasif et, d’une certaine façon, en tirer parti comme d’une ressource possible ? Voire n’est-il pas contraint de prendre en charge désormais cette évasivité, comme l’exigerait de lui la société contemporaine le forçant à une mutation peut-être si radicale qu’elle l’ébranlerait dans son assise ?
Il importera donc d’abord de ne pas se laisser arrêter, dans la pensée de l’évasif, par ce qui paraîtrait en lui un manque de rigueur ou ne ferait de lui que l’envers de notre attente théorique. Comprenons, en effet, qu’il ne s’agit pas là que d’« empirisme » ou de « pragmatisme » contredisant ou corrigeant notre idéalisme ; ou de ce qui se résorberait, au sein du droit, dans l’opposition bien huilée entre common law et civil law, etc., ou de ce qui se range communément sous le terme de « jurisprudence ». Faudra-t-il même se contenter de faire de ce défaut de détermination de l’évasif une concession au mouvant de la société ou bien une conséquence de l’érosion du droit lui-même ? Car si j’entends bien les raisons qui conduiraient à penser aujourd’hui un droit « souple », celles-ci, venant de l’évolution de nos sociétés, répondraient au désir de coller de plus près à son actualité. Il s’agirait de rapprocher la construction juridique de l’expérience ordinaire en vue de la mieux intégrer : en vue de moins heurter les situations effectives et peut-être aussi les consciences ; de moins faire peser le droit sur la société comme une contrainte imposée à la fois par sa détermination rigoureuse et son idéalité. Mais est-ce seulement à titre de tolérance, de soupape ouverte dans l’appareil imposant du droit, c’est-à-dire d’un aménagement portant à réduire son exigence, ou bien n’y aurait-il pas là tentation et même tentative d’ouverture conduisant à repenser plus fondamentalement le droit ?
« Assouplir » le droit : efficacité et régulation
Une première raison, à ce que j’apprends de ce débat, à faire entrer un droit « mou » ou un droit « souple » dans le cadre de la pensée du droit serait qu’il y gagnerait en « efficacité ». Or, la question de l’efficacité comme telle n’est pas simple. N’y aurait-il pas en effet au moins deux voies possibles d’efficacité ? Nous connaissons bien l’efficacité grecque comme efficacité modélisante projetant une fin idéale et cherchant ensuite les moyens les plus directs d’y parvenir, selon le rapport théorie- pratique. Or, il est bien une autre voie d’efficacité n’en appelant pas à la modélisation, mais procédant par « maturation » de la situation en fonction du potentiel qu’on sait détecter en elle (ce que j’ai appelé le potentiel de situation). Cette forme d’efficacité développée dans la pensée chinoise de la stratégie se garde ainsi d’ériger un « plan » avant ce qui serait l’« action », et ce pour pouvoir s’appuyer, de façon souple, sur les facteurs « porteurs » qui se découvrent au fur et à mesure sur le terrain et faire évoluer la situation engagée de façon favorable. Ou bien se « faire » est encore trop directif : on dira plutôt « laisser évoluer » la situation pour préserver la souplesse de cette gestion et gestation des choses, en quoi il s’agit bien d’un art de la maturation opposé à la modélisation qui détermine 3. Le droit pourrait-il donc s’ouvrir à la ressource de cette souplesse stratégique qui le ferait quasiment échapper à lui-même par ce qu’il intégrerait alors de processualité silencieuse ?
Je vois aussi que le droit souple a été justifié pour la façon dont il peut contribuer à la « régulation » de la société. Mais là encore la notion de régulation à laquelle on recourt si couramment aujourd’hui n’est pas simple. Si « régulation » vient de « règle », s’y dit en fait, non pas l’accomplissement ou l’illustration de la règle, mais bien son contraire. Tandis que la règle codifie idéalement par une détermination abstraite et générale se prévalant de sa fixité, la régulation maintient l’équilibre de la situation dans son évolution même, et ce en fonction de sa cohérence interne qui toujours est particulière. Or, s’il est vrai que ce terme de « régulation » s’est introduit de façon récente et relativement obscure dans la pensée européenne, il est clair aussi qu’il s’y est désormais imposé. Mais pourquoi ? Et pourquoi en aurait besoin également le droit ? Car ce ne peut être de façon normative, selon ce qui est l’idéal déclaré du droit : cette pensée de la régulation nous fait basculer à nouveau de la pensée de l’Être dans celle des processus, ce qui se vérifie derechef par la pensée chinoise pensant, non pas en termes d’« être » qui fixe et qui stabilise, mais de « flux » et de processualité. Ce que dit aussi bien son maître-mot, tao, la « voie » : non pas la voie qui mène à, vers un but, une Terre promise, mais la voie par où « ça passe », peut continuer indéfiniment de passer, à l’instar de la respiration, autrement dit la voie, non de la vérité, mais de la viabilité. Le droit, normatif et impératif comme il est, n’est-il pas confronté aujourd’hui, en effet, à la question de sa « viabilité », partant de son acceptabilité ?
À ce que je vois ainsi couramment retenu pour caractériser le droit souple – le faible degré contraignant, le caractère peu normatif, la faiblesse des mécanismes de sanctions, etc. —, je me demanderai donc si l’on doit encore considérer cela comme étant seulement de l’ordre du moindre : ne serait-ce pas là rater d’emblée ce qui en fait la cohérence et peut-être la fécondité ? Voire, si ces traits s’inscrivent en manque par rapport à « notre ontologie du droit », comme cela a été dit, ne faudrait-il pas alors, non pas « changer d’ontologie », comme il est alors requis, mais plutôt, plus radicalement, sortir de l’ontologie — dés-ontologiser notre langue, la langue de l’Être, celle qui fait travailler le verbe « être » — pour pouvoir les aborder ? Il est clair au moins que la langue-pensée chinoise passant « à côté » de l’Être peut nous inviter à penser ce statut de l’évasif en nous en montrant suffisamment le caractère non pas défectueux, mais opératoire. Qu’on se rappelle seulement que ce qu’on nomme judo (rou dao) dans les arts martiaux d’Extrême-Asie signifie littéralement la « voie du souple ». Or, ne serait-ce pas plutôt ainsi que procéderait la vie même – ce pourquoi peut-être le droit lui-même voudrait « s’assouplir » ?
Néanmoins, si la langue pensée-chinoise nous instruit ainsi sur la capacité ou l’opérativité de l’évasif, il ne faudra pas céder aveuglément à cette efficacité repérée. Car on ne voit aussi que trop à quoi elle a prêté politiquement en Chine ou s’y est trouvée compensée : en l’absence des lois et du droit déterminant une idéalité, la place alors est vide pour une contrainte autoritaire, pour ne pas dire totalitaire, qui, dans cette fluide évasivité, peut d’autant mieux s’imposer que n’a pas pu se constituer contre elle d’opposition qui soit idéalement déterminée et fondée en principes. Telle est bien la voie ouverte, en effet, par les soi-disant « Légistes » justifiant, non pas le droit, mais la toute-puissance du Souverain reposant sur des rapports de force d’autant plus contraignants qu’ils se prévalent de leur immanence et s’assimileraient à la nature – ce qui est encore le cas, on le sait, dans la Chine d’aujourd’hui : empêchant par-là que de la détermination du « pour » et du « contre » et de l’idéalité prônée puisse émerger une Justice : et que, par auto-détermination, naisse une Liberté. Ce pourquoi aussi je reste Grec – même si j’apprends de Chine à rouvrir notre langue.
Ne faut-il pas sortir de la langue de l’Être pour penser le «changement », y compris du droit ?
Si l’on pense aujourd’hui le droit « souple », c’est qu’on sait que le droit change : il a beau vouloir fixer une idéalité, sa vocation est de changer sans cesse pour s’adapter. Mais, là encore, qu’est-ce que « changer », quand on dit que le droit change, et peut-on le penser dans la langue de l’Être ? La question ainsi se redouble : il faudrait sortir de la langue de l’Être non seulement pour penser un droit « souple », mais aussi pour penser le « changement » du droit. Car « changer » littéralement, c’est « échanger », cambiare : de même qu’on échange une chose contre une autre, un état déterminé se trouve alors échangé pour un autre, c’est-à-dire qu’une certaine modalité d’« être » en remplace une autre. Mais comment se fait le passage, la transition, de cet avant à cet après ? Ne faut-il pas quitter la langue de l’Être pour le penser ? Ainsi, au lieu de penser en termes de « début » comme « premier coup de dé », comme passage abrupt du non- être à l’être tranchant entre un avant et un après, on serait sans doute plus rigoureux, plus près du processuel et de l’effectif, en parlant d’« amorce », comme on l’apprend du chinois : s’y dit que cela « mord », que cela « prend ». « Amorce » fait entendre le caractère ébauché, probatoire, à la fois conatif et duratif, de l’avènement. C’est un terme non tranchant introduisant une marche transitoire entre être et non-être, entre « il y a » et « il n’y a pas » : quelque chose s’esquisse et s’engage d’abord à peine, se met peu à peu en train, en chemin, qui va peut-être prendre tournure – on est mis sur la voie d’un possible qui tendanciellement se configure. Ce terme décolle le moins du phénoménal, maintient au cœur de la gestation, au sein de son indétermination et de son incertitude : entre « amorcer » et « avorter ». Au lieu de tant sacrifier au mythe de la Création et d’un grand Commencement, la pensée chinoise a fait du repérage de l’amorce des choses, le point le plus aigu de sa réflexion (notion de ji). Or, ce terme d’amorce, porté au concept, ne pourrait-il pas être également utile pour décrire l’évolution dans laquelle est continûment engagé le droit, au lieu qu’on se force à isoler en lui quelque commencement déterminé du « changement » qui ne peut être déterminé qu’arbitrairement 4 ?
Parce que la langue de l’« être » pense en termes de « début », comme aussi de « fin », segmentant abruptement la continuité des processus, il a fallu penser la causalité pour expliquer ce début premier ou pourquoi cela est venu à l’« être ». Le propre de la cause, sur laquelle repose l’explication, est d’en appeler à l’action d’un élément extérieur au fait considéré : je pose ce fait en tant que « effet » et j’en cherche, au dehors de lui, ce qui s’y suppose en amont comme étant sa cause ou sa raison d’être, causa sive ratio. Mais, l’explication causale ne gardera-t-elle pas toujours quelque chose d’arbitraire et d’abstrait elle aussi, y compris quand on parlera des « causes » du changement du droit ? Or, s’il est vrai que, au sein de la philosophie des derniers siècles en Europe (de Hume à Kant à Nietzsche), on a su mettre en doute la pertinence de la causalité, qu’a donc pu apporter cette critique tant qu’on n’a pas pu proposer une autre notion en regard et même l’y substituer ?
Un terme tel que « propension », forgé à nouveaux frais à partir de la pensée chinoise et à porter lui aussi au concept, pourrait peut-être nous aider à sortir de cette impasse de la causalité : s’y dit, non plus par explication, mais par implication, comment une situation est portée d’elle-même à « pencher » et se promouvoir dans son cours, y laissant paraître une ligne de force d’où découle son orientation. S’y défait donc tout état stable et déterminé qui fait « être » en même temps que s’éclaire comment une disposition contient en elle-même une inclination – ou comment cette inclination constitue d’elle-même une disposition. Or, ne pourrait-on pas repenser en effet en termes de propensions l’évolution du droit, plutôt que d’invoquer des « causes » ? Un nouveau lexique pourrait ainsi s’ébaucher utilement, décalé de la langue de l’Être, affranchi de la pensée de la Cause et du Commencement, qui pourrait peut-être décrire de plus près dans ses « linéaments » ou ses « veinures » — li qu’on traduit par « raison » dit la veinure du jade en chinois — la fluidité continue des transformations silencieuses que le terme de « changement », posé sur elles, risque sinon de masquer.
Jusqu’où peut dé-coïncider le droit ?
Jusqu’où le droit peut-il s’aventurer à sa limite pour s’ouvrir de nouveaux possibles, aussi bien pour penser un droit souple que des transformations silencieuses qui permettraient aussi de l’analyser ? Ou, si je reprends un concept plus récent de mon travail, celui de « dé- coïncidence » 5, je me demanderai si – et jusqu’où – le droit peut dé-coïncider de sa grande Coïncidence ontologique. Car le peut-il sans pour autant se dénaturer ou se renier ?
Si « coïncider » au sens premier, géométrique, de ce terme se dit quand deux lignes ou deux surfaces se recoupent complètement, on verra d’abord là, dans cette parfaite coïncidence, le gage d’une adéquation. Mais quand cette adéquation s’installe dans son adéquation, ignorant toute autre possibilité, elle est portée à s’enliser et ne se réfléchit plus, elle s’étiole dans sa positivité. Il faut alors fissurer sa coïncidence pour remettre la situation en chantier et lui rouvrir un avenir. Or, n’en irait-il pas ainsi du droit coïncidant depuis toujours avec la langue de l’Être ? Ne faudrait-il pas commencer aujourd’hui de fissurer cette coïncidence invétérée de la langue de l’Être avec le droit ? À la fois pour répondre de plus près à ce qui se chercherait dans la société contemporaine qui, reconnaissons-le, a largement décroché (voyons la Jeunesse…) de la détermination d’un idéal ; et pour découvrir aussi au sein du droit de nouvelles ressources d’efficacité passant moins par la réglementation que par la régulation et tirant parti des gestations évasives à travers lesquelles tout processus est conduit — non pas à « être » — mais à s’actualiser. C’est la possibilité d’une telle dé-coïncidence que je suggère, en regard du droit, pour envisager jusqu’où celui-ci pourrait se décaler de lui-même, en s’écartant de la langue de l’Être, pour s’aventurer sur de nouveaux chemins — peut-être le portant à la limite de lui-même — de la juridicité.
Notes de bas de page
1 Cet article a fait l’objet d’une communication tenue en l’honneur de Madame Chantal Arens, le 6 juillet 2022 par François Jullien. Mme Chantal Arens fut Première présidente de la Cour de cassation, présidente de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège, de 2019 à 2022.
2 V. Jullien, François, Le Détour et l’accès, stratégie du sens en Chine, en Grèce, Grasset, 1995; rééd. Points « Essais » 2010
3 Jullien, François, Conférence sur l’efficacité, PUF, 2005 ; rééd. PUF « Quadrige » 2020
4 Jullien, François, Ce Point obscur d’où tout a basculé, Éditions de l’Observatoire, 2021 ; Rééd. sous le titre De l’évasif, Éditions de l’Observatoire, Coll. « Alpha », 2023
5 Jullien, François, Décoïncidence, d’où viennent l’art et l’existence, Grasset, 2017, rééd. Le Livre de Poche, « Biblio essais », 2020 ; Politique de la décoïncidence, L’Herne, 2020 et, Rouvrir des possibles : dé-coïncidence, un art d’opérer, Éditions de l’Observatoire, 2023