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La décentralisation, une dynamique impressionniste

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L'Impressionnisme a constitué une révolution dans l’art pictural. L'Homme apparaît comme prenant conscience de son caractère temporel. Il se situe dans le temps et se saisit dans le temps. « Dans le dernier quart du XIXè siècle, la peinture ainsi que tous les arts de l'espace ont tendu à devenir des arts du temps »1. C’est ainsi que l'artiste impressionniste ne s'intéresse qu'aux changements de la nature. La lumière le climat, le mois, l'heure peuvent nuancer les contours et donner à voir autre chose : une atmosphère, une énergie, un écoulement, une continuité.

Avec l'impressionnisme, la géographie de la France se représente en images mouvantes. Des Hommes fuient la ville pour devenir les « amants de la nature » ! L'impressionnisme rompt avec la conception de la peinture comme représentation figée du monde extérieur. Les objets sont absorbés dans la magie des couleurs et de la lumière. S’ouvre alors la voie à d'infinies variations.

La décentralisation, 40 ans après la loi du 2 mars 1982, est à sa façon un processus impressionniste, une façon de regarder la France d'un autre œil. Au cours de ces 4 dernières décennies, c'est la vision de l'État et non l'objet de cette vision (le local) qui a importé. La décentralisation est encore aujourd’hui une façon de peindre la toile d’une France rêvée uniforme plutôt que la diversité des provinces françaises.

L'impressionnisme a libéré les couleurs. La décentralisation a libéré les énergies locales. Cependant, l'impression en continu est floue, parfois informe. Où va-t-on ?

Actuellement, les humeurs décentralisées — que Xavier Latour2 partage dans ce numéro (p°XX) — caractérisent le décalage entre les discours et les actes. L'État conserve la main sur l'essentiel. La loi 3Ds n'a fait que renforcer cette impression continue que le législateur flatte avec des mots (différenciation, expérimentation par exemple), celles et ceux censés mettre en œuvre la loi, au premier chef, les élus locaux (P. Esplugas-Labatut, p°XX). Ne pas faire confiance aux mots, insiste Bertrand Faure (p°XX) car « le monde du quotidien est plus souvent difficile et plus résistant que celui des hauteurs juridiques ».

L'impressionnisme fut suivi du fauvisme dont l'audace a été dynamisé par l'instinct. Souhaitons la même étape à la post-décentralisation des années à venir : l'audace et l'instinct… en continu !

Laurence Lemouzy

Notes de bas de page

  • 1 Jean Cassou, « Impressionnisme », Encyclopædia Universalis

  • 2 Doyen de la Faculté de droit et science politique (Université Côte d'Azur)