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Que signifie l’émergence de nombreux tiers-lieux ?

Un facteur d’innovation pour les territoires ou une simple expression d’une transition sociétale ?

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L’article propose un regard critique sur le phénomène de l’émergence des tiers-lieux en dehors des métropoles. S’agit-il d’un nouvel atout pour les territoires ou plutôt d’un épiphénomène
de la transition sociétale. Les pouvoirs publics s’emparent-ils de ce phénomène ? De quelle manière ? Avec l’exemple d’une région prospère en Allemagne, le Bade-Wurtemberg, l’article démontre l’importance des choix politiques et du cadre institutionnel dans la réponse à cette question . En effet, dans le cas d’une économie régionale forte et hautement institutionnalisée, orientée vers les technologies, l’intérêt pour ces lieux peut sembler moins fort et faire l’objet d’un soutien plus ciblé. Ceci contraste avec les régions au tissu socio-économique fragilisé, confrontées aux difficultés de reconversion. Celles-ci doivent considérer un spectre plus large de stratégies de résolution, dans des politiques écologiques, culturelles et sociales plus affirmées.
Si le ciblage du soutien dans une région comme celle du Bade-Wurtemberg tournée vers
les innovations technologiques semble « rationnel », il présente néanmoins le risque de négliger le potentiel d’autres domaines comme leviers économiques à venir.

Un nouveau phénomène sociétal s’est fait jour au cours de ce premier quart du XXIe siècle : l’émergence de nombreux tiers-lieux ! Il ne se limite plus aux grandes métropoles, mais déborde sur tout le territoire. On voit apparaître des tiers-lieux qui délibérément revendiquent cette appellation un peu partout, dans des villes moyennes comme dans des petites communes. Ce phénomène attire l’attention de tous, y compris des spécialistes : politiques économistes, sociologues, journalistes. De plus en plus visible ce phénomène s’inscrit d’ailleurs dans une tendance collective plus générale – sociétale – qui concerne de nombreux pays dans le monde.

Les tiers-lieux comme lieux de sociabilité

Le terme « tiers-lieu » est aujourd’hui largement associé aux travaux de Ray Oldenburg (1989). Dans le contexte de l’ère fordiste finissante au tournant des années 1970-1980, il avait attiré l’attention sur le rôle important que ces troisièmes lieux pouvaient jouer pour la cohésion sociale dans les sociétés développées modernes. La société fordiste de l’Occident avait favorisé des styles de vie privilégiant une consommation de masse, un usage systématique des moyens de transport individuels (en particulier la voiture) et l’extension des zones d’habitation périphériques, surtout pour les classes moyennes. En même temps, le contexte général était celui d’une société salariale (Castell, 1995) où le travail salarié était devenu la norme, avec des lieux et des temps de travail fortement régulés selon un modèle standard. Une conséquence indirecte en était l’augmentation de la part des actifs habitant hors des centres urbains navettant en semaine quotidiennement des distances de plus en plus importantes entre leurs domiciles et leurs lieux de travail. Ceci entraînait, selon Oldenburg, la disparition des lieux de sociabilité classiques1. Dans le sillon d’Oldenbourg, d’autres sociologues ont ensuite aussi parlé du déclin rampant des « personnes publiques » (Sennett, 1977).

Les nouveaux tiers-lieux semblent offrir une réponse à la fois au déclin des lieux de sociabilité traditionnels dans la société moderne, parfois qualifié de « liquide » (Baumann, 2007), et aux défis écologiques que l’héritage du modèle de travail et de vie du XXe siècle soulève. Retenons donc que les tiers-lieux sont d’abord des lieux de sociabilité, indépendamment de leurs possibles liens, souvent latents, avec le monde du travail. Ils se trouvent dans l’interstice entre le bureau classique hébergé à l’intérieur des murs de l’entreprise et la maison ou la sphère privée. Rappelons que selon Oldenburg (1989 : 20-39), ils permettent de s’échapper des devoirs professionnels, mais aussi privés, représentant des lieux « neutres » et orientés vers la conversation, construits autour d’un noyau d’utilisateurs réguliers et offrant aux usagers un endroit convivial qui est comme un « chez soi », tout en étant éloigné de la maison.

Dans la littérature scientifique, on trouve une grande diversité de formes reconnues comme « tiers-lieux ». Mais la classification semble difficile, vu l’évolution rapide de la différenciation et du nombre de tiers-lieux. L’une des premières tentatives plus élaborée de classification, s’appuyant sur des enquêtes réalisées en Finlande, prenait comme premier critère ou axe de distinction le modèle économique sous-jacent, en distinguant entre modèles sans but lucratif, d’un côté, et à but lucratif, de l’autre (Kojo et Nenonen, 2016). Ceci reprenait une idée centrale véhiculée par les tiers-lieux issus d’initiatives privées portées à l’origine par leur base : ceux-ci s’inscrivant dans un esprit de partage, privilégiant des modes de décisions non hiérarchiques, démocratiques, inclusifs et désintéressés.

Dans sa forme la plus pure, on trouvait ce principe affiché délibérément, par exemple, dans les hackerspaces pionniers. Michel Lallement, dans son enquête phare menée il y a une dizaine d’années en Californie (Lallement, 2015), avait trouvé que ces espaces refusaient toute ingérence extérieure (des pouvoirs publics, ainsi que des puissances économiques telles des entreprises ou des groupes d’intérêt économique). En effet, ils se montraient très attachés à leur indépendance financière, mais aussi économique et politique. Cela signifiait que leur financement reposait essentiellement sur des cotisations de leurs membres, ainsi que sur des dons, excluant toute forme de subvention publique. Cette approche des tiers-lieux devait favoriser en principe une grande liberté, ouverture et indépendance à leurs usagers, les formes de contrôle social y étant réduites au minimum. Le deuxième critère ou axe de distinction de Kojo et Nenonen (2016) était le degré d’accès et d’accessibilité financière (publique, semi-publique ou privé), soit en quelque sorte le degré d’ouverture ou de fermeture des espaces. Rappelons que pour Oldenburg, l’ouverture et l’inclusivité étaient des critères clés pour définir le « tiers-lieu » en tant que lieu public de sociabilité, accessible à tout citoyen. Or, la typologie proposée par Kojo et Nenonen reconnaît que le degré d’ouverture, de fait, peut varier dans la réalité.

Les espaces de coworking – une forme particulière de tiers-lieux ?

Pour notre analyse, nous allons nous appuyer sur une enquête empirique réalisée sur les espaces de coworking dans le sud-ouest de l’Allemagne. Les espaces de coworking ont été interprétés dans le passé par certains auteurs comme des tiers-lieux (Burret, 2013). En effet, ils réunissent quelques traits typiques des tiers-lieux. Alors qu’ils sont censés accueillir des individus poursuivant une activité de travail (ce qui à premier abord semble les rapprocher des lieux de travail classiques), les relations qui se nouent à l’intérieur d’un même espace sont marquées par une prédominance de formes de sociabilité plus générales. Elles ne se prolongent pas nécessairement par des réelles collaborations professionnelles ; au contraire, ceci ne semble pas être la règle. Les coworkers cherchent un lieu à la fois de travail et de détente, avec une ambiance conviviale, sans contraintes, et sans (trop de) contrôle social. Mais il est vrai que les formes des espaces de coworking ont évolué beaucoup au cours de ces dernières années, les différenciant davantage des tiers-lieux classiques.

Les espaces de coworking représentent aujourd’hui un champ très différencié. Ils ne sont plus exclusivement portés par les communautés désintéressées du départ, créées par des initiatives privées, atypiques ou régies par des valeurs de partage et de liberté ; ils font désormais partie du système économique établi où ils représentent de nouvelles façons de travailler liées au numérique, s’inscrivant dans la transition vers une société plus libérale et plus individualiste.

Ce champ est de plus en plus investi par des acteurs puissants, tels de grands groupes offrant des services (à but lucratif) de location de bureaux équipés et d’espaces de coworking incluant des services adaptés ; mais il l’est également par les pouvoirs publics qui souvent initient, soutiennent ou poussent à leur professionnalisation les espaces de coworking. Le phénomène récent de la création d’une fonction d’animateur d’espace de coworking, et qui se diffuse progressivement dans le secteur, est révélateur de l’émergence latente de nouvelles structures de contrôle social au sein des espaces de coworking, devenant de plus en plus « professionnalisés ». Ainsi, la pression sur les coworkers augmente, les incitant à dépasser l’individualisme replié sur soi, longtemps associé aux nouveaux travailleurs du net, et à se lancer dans des collaborations professionnelles réelles au sein de l’espace de coworking. C’est désormais un animateur « professionnel » qui est au cœur de nouvelles structures de contrôle social, incitant les usagers à participer à des activités en commun et à développer des collaborations au sein même de l’espace.

Mais cette nouvelle tendance ne risquera-t-elle pas d’éloigner les espaces de coworking du modèle d’origine, de la conception à l’état pur, des tiers-lieux ? Peut-on donc dire que l’espace de coworking aujourd’hui, en réalité, n’est pas un tiers-lieu (Fabbri, 2016), mais plutôt et simplement une nouvelle forme d’espace de travail, moins ouvert qu’un véritable tiers-lieu et développant ses propres structures de contrôle social ?

Les espaces de coworking dans le sud-ouest de l’Allemagne

Les particularités de l’économie régionale

La région du sud-ouest de l’Allemagne regroupe sous le nom du Land de Bade-Wurtemberg les anciens territoires du Wurtemberg-Bade, du Wurtemberg-Hohenzollern et du Bade. Elle partage ses frontières avec la France (Alsace) et la Suisse. Ce territoire montre une densité démographique élevée (le triple de la moyenne française et bien au-dessus de la moyenne allemande). Il s’agit d’une région prospère et riche, le PIB régional étant plus élevé que ceux de beaucoup de pays développés (536 milliards d’euros en 2021 ; source : www.statistik-bw.de, page sur le PIB). Ces richesses ont été constituées grâce aux succès dans l’exportation de produits technologiques spécifiques, « haut de gamme », sur des créneaux de marché à l’échelle mondiale. L’économie régionale peut s’appuyer sur un très riche et dense environnement institutionnel, expliquant notamment ses succès économiques passés et récents (Heidenreich et Krauss, 2004). Le paysage institutionnel non seulement comprend les usages établis sur les plans informel et formel, ainsi que les différents réseaux et organisations de soutien sur lesquels peuvent compter les acteurs économiques, mais également la politique industrielle et les différents programmes d’aide mis en place par le gouvernement régional. Ce dernier a traditionnellement joué un rôle très actif pour soutenir les efforts d’innovation des différents acteurs dans la région.

Le régime de production et d’innovation régional se distingue par son intensité de recherche et développement élevée (5,8 % du PIB en 2019), l’effort de R&D étant concentré surtout dans le domaine des entreprises. Si les forces de ce modèle reposaient sur les compétences accumulées dans les domaines technologiques murs ou avancés (expliquant le haut effort de R&D observé), les différentes crises du passé ont stimulé une nouvelle réflexion sur la nécessité d’ouvrir de nouveaux secteurs d’avenir en dehors des sentiers technologiques éprouvés par le passé. Ceci a débouché sur de nouvelles initiatives dans divers domaines, visant en priorité « le développement de champs technologiques prometteurs en raison de leurs connexions possibles avec les forces existantes de la région » (Krauss, 2022 : 7-8).

L’émergence et l’essaimage des espaces de coworking dans la région

Si la diffusion du coworking correspond à une tendance sociétale forte qui s’est amplifiée au cours des dernières années, elle ne s’est pas étendue avec la même vitesse partout. Le phénomène s’est concentré au milieu des années 2000, à ses débuts, dans quelques grandes villes, avant d’essaimer ensuite d’abord vers d’autres métropoles mondiales, puis vers les villes moyennes et petites, ainsi que vers les zones rurales et notamment touristiques. Dès lors, le phénomène de coworking ne se limite plus aux grandes métropoles urbaines, mais irrigue la société, dans tous ses secteurs et dans l’ensemble de son étendue spatiale, voire jusque dans les territoires les plus excentrés.

Alors que la vitesse de diffusion du phénomène a été particulièrement élevée dans les grandes métropoles mondiales et dans les villes hébergeant les « pionniers » du mouvement, voire dans des territoires moins centraux en transition (économique, écologique et/ou sociale), la région du Bade-Wurtemberg se démarque par son retard relatif face au mouvement du coworking. En effet, au printemps 2018, seuls 14 espaces étaient répertoriés (Krauss, 2019 : 26). Ceci représentait un niveau assez bas pour une région de 11,1 millions d’habitants. Même si le nombre d’espaces de coworking a énormément évolué entre-temps, nous pouvons constater un retard relatif de la région dans ce domaine compte tenu de ses caractéristiques économiques, sociales et démographiques (Krauss, 2022 : 10).

Études de cas de trois espaces de coworking

Dans le cadre du projet PERI#WORK, financé par l’ANR, nous avons étudié trois espaces de coworking de façon plus approfondie. Ces espaces ont été visités d’abord en présentiel en 2019 avant la crise sanitaire, débouchant sur une vingtaine d’interviews semi-directives, avec leurs fondateurs, leurs gestionnaires et leurs utilisateurs. Ensuite, des échanges à distance (notamment par visioconférence en mai 2021) ont permis de mettre à jour les données, après les premiers confinements dus à la crise sanitaire covid-19.

Ces espaces de coworking étaient situés en dehors des métropoles, dans deux villes moyennes d’environ 30 000 habitants chacune, ainsi que dans une troisième commune, plus petite, de 7 700 habitants. L’une des deux premières, ainsi que la dernière se trouvaient dans des zones touristiques où la densité démographique était élevée et les résidences secondaires étaient nombreuses. Ces territoires touristiques se caractérisaient par une part importante de retraités dans la population, ainsi que par un chômage très bas (correspondant à une situation de plein-emploi).

En ce qui concerne l’espace de coworking situé dans la petite commune, celui-ci était le fruit d’une initiative privée, créé par un designer du Web autodidacte indépendant qui a quitté une grande métropole pour la province, d’une quarantaine d’années, marié avec deux enfants, sans aucune implication de la municipalité. Cette dernière avait même pris ses distances par rapport au projet et pendant longtemps les élus locaux semblaient ignorer son existence, peut-être aussi en raison de sa petite taille (6 coworkers, y compris le fondateur).

Les autres espaces de coworking visités étaient, eux aussi, de petite taille (entre 8 coworkers maximum et 15 coworkers maximum). Dans leur cas, les municipalités locales étaient plus présentes, mais sans devenir parties prenantes ; leur aide restait limitée, sous forme de soutien logistique ou de médiation (essentiellement une aide pour trouver un bâtiment approprié). Les choix de ces localités répondaient essentiellement à des considérations d’ordre privé des fondateurs, ce qui était particulièrement marquant dans deux des trois espaces sélectionnés.

Les pouvoirs publics face aux espaces de coworking

Les exemples des espaces de coworking étudiés illustrent un rôle de soutien plutôt limité des pouvoirs publics. Le profil sociologique et la trajectoire sociale des fondateurs d’espaces de coworking (ainsi que de leurs usagers) s’avèrent prépondérants dans les choix de création et de localisation, ainsi que dans leur mise en œuvre. La plupart du temps, il s’agit d’initiatives de particuliers, motivées autant par des considérations d’ordre privé ou de projet de vie que de décisions professionnelles.

Au niveau local, le soutien des autorités publiques s’avère plutôt rare, ponctuel et limité. Quant au niveau régional, le gouvernement du Land y a, depuis la fondation du Land en 1952, toujours conduit des politiques assez actives pour orienter et soutenir les efforts des acteurs économiques, industriels et d’innovation de la région, indépendamment de sa composition politique. Toutefois, les espaces de coworking actuels visiblement ne représentent pas une cible prioritaire ou spécifique dans ce contexte, leur promotion par le gouvernement régional se faisant plutôt de manière indirecte dans le cadre d’une approche de politique industrielle et d’innovation plus globale.

Le potentiel d’innovation des espaces de coworking en matière de digitalisation de l’économie

En effet, les espaces de coworking entrent dans le viseur des élus essentiellement sous un angle spécifique, c’est-à-dire en tant qu’acteurs (parmi d’autres) de la mise en œuvre de la politique de digitalisation de l’économie régionale. Plus précisément, depuis 2017, le gouvernement du Land soutient des centres de digitalisation, dits « digital hubs », qui sont conçus en théorie comme une sorte d’« écosystèmes » pour les innovations numériques. L’objectif visé et officiellement affiché est de promouvoir des projets d’innovations numériques qui font appel à des collaborations entre PME, start-up, recherche publique et privée, organismes de transfert des technologies, universités, industries créatives, unions patronales et syndicales, business angels, intermédiaires de l’innovation et développeurs économiques. En outre, dans ces projets de coopération peuvent être impliqués également les différences unités territoriales, tels les comtés, les villes et les communes.

Dans le cadre de cette politique de digitalisation, des espaces de coworking peuvent jouer un rôle actif en tant que lieu physique de coopération qui fournit un espace de travail commun aux différents acteurs d’innovation impliqués. En tant que tels, ils peuvent bénéficier d’un soutien public tant qu’ils font partie d’un « digital hub » reconnu et promu par le gouvernement régional. Un digital hub représente non seulement une infrastructure technique, mais également un lieu pour coopérer, sous forme de « laboratoire d’innovation » ou d’« espace de coworking ». Le Land dispose aujourd’hui de 10 centres régionaux de digitalisation (soutenus à hauteur d’un million d’euros maximum par centre). Il avait décidé de reconduire sa politique de promotion et de création de digital hubs à la même hauteur dans le cadre d’un nouvel appel à projets lancé en mars 2022 (jusqu’en 2025). La digitalisation fait partie des priorités de la politique économique régionale déjà depuis un certain nombre d’années, le budget y étant consacré au cours de la législature passée (2016-2021) s’élevant à un milliard d’euros.

Conclusion

Comme nous avons pu le voir, la situation de la région du Bade-Wurtemberg est particulière. Région prospère avec une densité institutionnelle élevée et des politiques très actives pour soutenir les acteurs des domaines économiques, technologiques et d’innovation, les espaces de coworking néanmoins semblent peiner à y trouver leur place. L’intérêt qu’ils attirent auprès des élus locaux, régionaux semble limité. L’aspect sociétal passe à l’arrière-plan. Ils arrivent dans le viseur de la puissance publique principalement dans le cadre de la mise en œuvre des politiques technologiques, comme la digitalisation de l’économie régionale qui est affichée comme une priorité transversale. Cela n’empêche pas parfois un soutien ciblé aux espaces de coworking, focalisant la stratégie sur des objectifs très spécifiques tant ceux-ci sont visés par une politique technologique ou d’innovation particulière.

Un atout majeur du régime de production et d’innovation régional – le riche environnement institutionnel – s’avère finalement parfois comme faiblesse, dans la mesure où les institutions, notamment sur le plan informel, orientent les efforts collectifs d’abord vers le domaine des innovations technologiques, en incitant les parties prenantes à privilégier une vision technologique, plutôt que socIétale. L’orientation technologique du paysage institutionnel ainsi conditionne le champ des possibles pour les espaces de coworking. On peut conclure que les espaces de coworking se trouvent à la marge des réseaux économiques établis de la région. L’intérêt qu’ils suscitent auprès des acteurs politiques semble limité, ce qui n’exclue pas un soutien plus ciblé dans certains cas dès que les politiques d’innovation et technologiques s’en emparent pour les intégrer dans leur approche.

Bibliographie

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Burret A. (2015), Tiers-lieu… et plus si affinités, Limoges, Fyp éditions.

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Heidenreich M., Krauss G. (2004), “The Baden-Wüttemberg Production and Innovation Regime : Past Successes and New Challenges”, in : Cooke P., Heidenreich M., Braczyk H.-J. (eds), Regional Innovation Systems, London, Routledge : 186-213.

Kojo I., Nenonen S. (2016), “Typologies fOr, co-working spaces in Finland – what and how ?” Facilities, Vol. 34 No. 5/6, 302-313.

Krauss, G. (2019), « Les espaces de coworking et les trajectoires sociales de leurs fondateurs et utilisateurs : études de cas dans le sud-ouest de l’Allemagne dans une ville moyenne et dans une petite commune périphérique », in : Krauss, G. et Tremblay D.-G. (dir.), Tiers-lieux – travailler et entreprendre sur les territoires : Espaces de co-working, fab labs, hack labs…, Rennes and Québec, Presses universitaires de Rennes and Presses de l’université du Québec, 19-39.

Krauss G. (2022), « L’exemple des tiers-lieux du Bade-Wrutemberg : puissance publique à la manœuvre ? » 58e Colloque ASRDLF, 29-30 juin et 1er juillet 2022, Rennes.

Lallement, M. (2015), L’Âge du faire : Hacking, travail, anarchie, Paris, Editions du Seuil.

Oldenburg R. (1989), The Great Good Places : cafes, coffee shops, bookstores, bars, hair salons, and other hangouts at the heart of a community, and how they get you through the day, Boston, Da Capo Press.

Sennett R. (1977), The Fall of Public Man, New York, Alfred A. Knopf.

Notes de bas de page

  • 1 Cette problématique se trouvait aussi en filigrane dans l’occupation des ronds points par les « gilets jaunes » qui, avec la hausse des prix du carburant, subissaient de façon extrême les contraintes et le coût du modèle de travail classique hérité de l’époque fordiste. On peut se demander si les « ronds-points » où se rassemblaient typiquement les gilets jaunes ne représentaient pas finalement une forme de tiers-lieu, un lieu de sociabilité pour des individus participant à ce mouvement.